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Naaman - Acte I,Scènes I à IV

Publié le 18 août 2008 par Lilianof

NAAMAN

Comédie biblique en 5 actes

Naaman : Général de l’armée Syrienne

Farika : sa femme

Léa : 16 ans, esclave juive

Ben-Hadad : roi de Syrie

Joram : roi d’Israël

Josaphat : roi de Juda

Malia et

Salia : courtisanes

Nazar : prêtre de Rimmon

Élisée : prophète d’Israël

Guéhazi : Serviteur d’Elisée.

Un serviteur de Joram

La scène est à Damas et en Israël au Xe siècle avant J.C.

Source : La Bible : Deuxième livre des Rois, chapitre 5.

L’auteur, bien que très attaché aux Saintes Ecritures, a pris la liberté d’ajouter un peu de fiction au texte biblique. Principalement : Malia et Salia, les groupies de Naaman, et Nazar sont des personnages fictifs. Le nom de la femme de Naaman et de la jeune esclave nous sont inconnus et la jeune fille n’a certainement pas accompagné Naaman dans son voyage.

ACTE PREMIER

Damas, le temple de Rimmon.

Scène première

MALIA – SALIA

SALIA

Malia, si fidèle au temple de Rimmon !

MALIA

Es-tu venue louer ce grimaçant démon ?

SALIA

Salia, n’en déplaise aux dieux, ma foi est nulle,

Et je n’adore pas sa statue ridicule.

MALIA

Du grand prêtre Nazar n’as-tu aucune peur ?

SALIA

Ni des dieux ni des hommes, ni crainte ni terreur.

Non, c’est un autre dieu que j’attends dans ce Temple,

Ni de bois, ni de pierre, mais qu’il soit leur exemple ;

Un homme au bras puissant, au visage charmant,

Un héros merveilleux.

MALIA

      Naaman ?

SALIA

        Naaman.

Pour le toucher des yeux je donnerai ma vie.

Pour mon impiété je puis être punie,

Mais Malia, je l’aime, et je l’aime à souffrir,

Et c’est un beau présent que ma vie lui offrir.

MALIA

Crois-tu que pour les yeux de ce monstre d’albâtre

Mes pieds courent si prompts à ce temple idolâtre ?

Je suis venue le voir en ce sinistre endroit.

Naaman va entrer, accompagnant le Roi.

J’aime le beau guerrier, tout en moi le désire,

Mon cœur est abattu et mes lèvres soupirent.

SALIA

Vois, d’autres courtisanes se rassemblent ici ;

Les filles de Damas, toutes à sa merci,

Pour un fil de ceinture, pour un morceau de laine,

S’arrachent les cheveux dans la rage et la haine.

MALIA

Hélas, que ferons-nous ? Nous taire et l’adorer ?

SALIA

Nous presser près de lui.

MALIA

            Il va nous ignorer.

SALIA

Contraignons Naaman de nous prendre pour femme.

MALIA

Une épouse déjà accapare son âme.

SALIA

Séduisons-le. Peut-être il la répudiera.

MALIA

Tendons-lui maintenant le piège de nos bras.

SALIA

Cesse donc de rêver.

SALIA

      Notre rêve est suave.

SALIA

Pour demeurer chez lui vendons-nous comme esclave.

MALIA

Une fille déjà occupe sa maison :

Belle enfant du pays du vieux roi Salomon,

Ramenée prisonnière, une humble et pauvre juive.

On la dit fort aimable.

SALIA

         Elle est plutôt naïve.

MALIA

Une innocente fille enlevée à douze ans,

Condamnée à servir auprès de Naaman.

MALIA

Mais je vois s’approcher notre vielle rivale.

Plus un mot de ceci, voilà la Générale.

(Entre Farika.)

Scène II

MALIA – SALIA – FARIKA

FARIKA (à part)

Ces jeunes insensées chaque jour face à moi !

Que je sorte à la ville et partout je les vois.

(à Malia et Salia)

De quoi discutiez-vous, courtisanes légères ?

SALIA

Ceci seul nous concerne, irascible mégère.

FARIKA

Toujours aussi hautaines, et sans aucun respect.

SALIA

Avant votre venue nous conversions en paix.

FARIKA

Vous parliez de Léa, la jeune prisonnière.

MALIA

Nous vantions sa bonté, ses si pures manières,

Disions du Général qu’il était bien servi

Et qu’il avait tout lieu d’être un maître ravi

D’avoir une servante aussi douce et fidèle.

FARIKA

Les affaires du maître vous concernent-elles ?

Devez-vous chaque jour au temple et au palais

Veiller sur sa personne ? Répondez s’il vous plaît.

SALIA

Nous sommes ici-bas de modestes suivantes

D’un puissant souverain, dociles et servantes ;

La naissance a permis d’habiter chez le roi,

Nobles filles de cour et rangées sous sa loi.

Souffrez qu’à la Syrie, ses guerres et victoires,

Ses pertes et conquêtes, sa gloire et son histoire

Nous soyons attentives. Et les derniers hauts-faits

Du Général en chef, et son nouveau succès,

Nous comble de ferveur dans le cœur et dans l’âme,

Et nous ne voulions pas vous offenser, Madame.

Mais pour féliciter le maître Naaman

Vers lui nos pas ici courent innocemment.

FARIKA

N’est-il aucune borne à votre hypocrisie

Et prenez-vous plaisir avec ma jalousie ?

Voulez-vous devant moi provoquer mon époux,

Attirer ma fureur et ma rage sur vous ?

Mais voici Ben-Hadad. Que nos querelles cessent,

Et daignez vous conduire comme dignes princesses.

Scène III

MALIA – SALIA – FARIKA – BEN-HADAD

Jusqu’à l’entrée de Naaman, la scène va se remplir de figurants : courtisans, soldats, prêtres, gens du peuple.

BEN-HADAD (à Malia et Salia)

O bonjour, jolies demoiselles.

MALIA

         Sire, mon Roi,

Un si beau compliment nous transporte d’émoi.

Nous mettons notre honneur et notre art à vous plaire.

BEN-HADAD (à Farika)

Ô dame Farika, quel grand plaisir, ma chère,

De vous trouver ici au pied de cet autel

Où nous célébrerons d’un rite solennel

La brillante victoire, qu’au peuple de Syrie,

Rimmon a ordonné pour sauver la patrie.

Il a choisi un homme, héros fier et vaillant

Qui vous choisit un jour pour femme : Naaman.

Le peuple de Damas en ce temple se presse

Pour l’homme qui brisa la fougue vengeresse

Des soldats de Ninive, guerriers forts et cruels.

Homme ardent et divin, héros providentiel,

Nous voulons lui offrir une cérémonie

Et le rétribuer, couronner son génie.

FARIKA

Ô grand maître sublime, souverain merveilleux,

Au nom de Naaman, en ce jour glorieux,

Je dépose à vos pieds toute ma gratitude,

Toute ma loyauté, mon humble servitude.

Mais souffrez qu’à présent je m’engage en chemin,

Rejoindre Naaman et lui tendre ma main.

BEN-HADAD

Ne craignez rien, Madame, rejoignez le bon maître,

Et qu’à son bras ici nous vous voyons paraître.

Mais je vois de Rimmon le noble serviteur

Qui sait de tous les dieux recevoir les faveurs.

SALIA

Voici venir le prêtre aux sinistres augures.

Composons-nous céans de pieuses figures.

Scène IV

MALIA – SALIA – BEN-HADAD – NAZAR – figurants

NAZAR

Sire, soyez béni.

BEN-HADAD

            Tout est-il prêt, Nazar ?

NAZAR

Tout. Et je n’ai laissé nulle place au hasard.

Tout sera magnifique, et la cérémonie

Digne de notre Roi, en ordre, en harmonie.

Pour rendre hommage à Naaman, le Général,

Nous avons préparé un culte magistral.

Rimmon sera heureux. D’opulentes offrandes

Lui seront dédiées : des bœufs dont la viande

Rôtira sur l’autel ; agneaux, chèvres, béliers,

Canards, dindes, faisans, chevreuils et sangliers.

Aucun roi, aucun dieu, aucun maître semblable,

Ne s’est vu présenter une aussi belle table :

Légumes colorés, riches et gras épis,

Les fruits les plus sucrés, les vins les plus exquis.

BEN-HADAD

Dis-moi, qui doit payer toute cette abondance ?

NAZAR

Le peuple, évidemment, pourvoit à la dépense.

Je l’exhorte à donner, dans mes brillants sermons,

Pour attirer à lui les grâces de Rimmon.

BEN-HADAD

La générosité devrait le satisfaire

Et nous manifestons une foi exemplaire.

Des faveurs de ce dieu nous sommes assurés.

Sur Naaman, Rimmon t’aurait-il murmuré

Quelque bénédiction, quelque douce promesse :

La santé, le bonheur, l’amour et la richesse ?

T’a-t-il dit que sur lui ses bienfaits répandus

Devaient récompenser les services rendus ?

NAZAR

Hélas !

BEN-HADAD

      Quoi ?

NAZAR

         La terreur et l’angoisse me rongent.

Par trois fois le grand dieu m’a parlé dans un songe.

J’ai imploré Rimmon, j’ai pleuré, j’ai jeûné,

Mais, hélas, Naaman est déjà condamné.

Mon dieu l’a révélé dans une liturgie

Et me l’a confirmé par le foie d’une truie.

BEN-HADAD

Que va-t-il arriver ?

NAZAR

         La mort le rongera.

Un mal qui n’a pitié sa chair ravagera.

BEN-HADAD

N’avons-nous de recours que subir en silence ?

NAZAR

Notre dieu a déjà prononcé sa sentence.

BEN-HADAD

Nazar, pour son salut ne pourrions-nous souffrir ?

Quelque pieuse action ferait Rimmon fléchir ?

NAZAR

Une nouvelle offrande, un dévot sacrifice

Pour Naaman rendra l’excellent dieu propice.

Rimmon a soif d’argent, il réclame de l’or.

Donne-lui sans peser, donne-lui plus encor :

Le cœur tout palpitant d’une vierge innocente,

D’une fille au cœur pur, victime consentante,

Une enfant dont le corps ne s’est point débauché,

Et que jamais les mains d’un homme n’aient touché.

SALIA

Entends-tu comme moi ces funestes paroles ?

Pour sauver Naaman une fille on immole.

MALIA

L’aimerais-tu au point de mourir sur l’autel ?

SALIA

Jusqu’à mourir, je l’aime. L’amour est éternel.

Pour le beau Naaman je sacrifie ma vie.

MALIA

Mais la gorge tranchée ! Je n’en ai point envie.

SALIA

Je vais trouver Nazar.

(à Nazar)

      Ô maître vénéré.

N’as-tu pas à l’instant par tes mots assuré

Que le sang immolé d’une fille pieuse.

Rendrait à Naaman une vie bienheureuse ?

Or nous craignons Rimmon et voulons le servir,

Et pour notre héros je veux mon corps offrir.

Qu’il accepte aujourd’hui mon sang, ô grand apôtre.

NAZAR

L’ultime condition vous exclut l’une et l’autre.


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