Lison et sa sœur Claire-Hélène qui a pris soin d'elle jusqu’au bout.
Chère Lison,
Je ne peux pas croire mes mots surgissant du clavier pour dire tout mon chagrin, confrontée que je suis à la mort d’une amie si précieuse.
Lison, tuétais comme un soleil qui enveloppait sans brûler. Un soleil doux permettant une floraison colorée dans les jardins les plus secrets de nos cœurs.
Nous étions toutes deux dans la jeune vingtaine quand, par nos métiers, nous nous sommes rencontrées. Par quelle magie, toi plus jeune que moi de 5 ans, tu es devenue la grande sœur que je n’ai pas eue. Tu as été le témoin de mes élans comme de mes peines, tempérant ma nature fougueuse lorsque tu devinais les dangers que je refusais de voir. Protectrice, là était ta magie. Et nous fûmes plusieurs à bénéficier de ce don généreux.
Les rencontres professionnelles se sont multipliées. Nous nous sommes reconnues dans l’amour de la vie, le plaisir du rire, la quête de vibrer au talent et à la beauté des autres. Nous étions un terreau fertile où s’est épanoui une amitié qui aura duré un demi-siècle.
Il paraît qu’avant de mourir on revoit notre vie. Il y a donc une mort en moi, car défilent dans ma tête tous nos souvenirs. J’ai été témoin de tous tes combats, ceux du cœur, de la maladie. Tu étais arrivée à l’aube d’un nouveau bonheur, celui de vivre auprès d’une tendre présence fraternelle dans un lieu paradisiaque, délivrée des soucis financiers, te préparant à vivre de beaux voyages sur les traces de Paul Gauguin.
Tu n'as pas eu le temps d’imaginer que rodait en toi un ennemi redoutable menaçant ta vie. Tu as subi le choc d’un verdict qui criait à l’urgence d’entreprendre des soins. Une biopsie ratée, suivie d’un mois interminable d’une attente pour le diagnostic fatal. Tu t’es sentie abandonnée par un système déshumanisé.
Le temps est devenu ton objectif majeur. Gagner du temps pour retarder le plus possible ce départ non voulu. Tu as traversé quatre séances de chimiothérapie avec courage, subissant les contre-coups dans l’espoir de conquérir du temps pour vivre. Tu as retrouvé les plaisirs gourmands, franchissant chaque jour comme tu as franchi les marches de cet escalier construit pour toi afin de t’installer dans la cache à l’affût du gibier. Tu as retrouvé ton rire, reconstruit tes rêves de voyages lorsque tu as su que la tumeur était réduite de 40%.
Et voilà que, quelques jours plus tard, la grande faucheuse t’as surprise en prenant un autre chemin pour t’atteindre. Une embolie pulmonaire. Tu as sombré dans l’inconscience, malgré les soins des ambulanciers. Tu t’es envolée en quelques heures vers ton dernier et mystérieux voyage.
Tu t’es envolée comme un oiseaux s’élance hors du nid et c’est nous qui regardons l’immensité de cet espace vide de toi, les ailes brisés.
Tu te plaignais de manquer de livres, avidesde tomes de milles pages. Je les regarde ces livres préparés pour ce qui devait être notre prochaine rencontre, muets comme je peux l’être de tant de mots en deuil de toi.
Cette douleur que je ressens dans cet ailleurs où tu es, je la perçois avec l’intensité d’une amitié si forte qui semble t’entendre me dire « vis Christiane, vibre de ce qui nous faisait vibrer, évoque nos souvenirs pour que je survive à travers toi comme à travers mes amours ».
Je le ferai Lison, comme le ferons toutes ces personnes que tu as aimées et qui t’aiment parce que, même dans cette mort qui tue un peu de nous, tu continues à nous faire grandir.
Ton amie
Christiane