…sort toujours de la bouche des enfants.
J’ai toujours adoré participer aux réunion familiales de la famille Snooze. Les dîners étaient toujours synonymes d’aventure, d’action et de surprise. N’ayant ni famille, ni amis et m’appelant Rémy, me retrouver au sein d’une tribu qui se tacle et se chamaille en permanence m’a toujours ravi. Il faut dire qu’à la douce l’époque où je vivais encore chez ma mère et ou la seule grande folie du repas était de renverser le sel sur la nappe, être cerné par Snooze, son frère Julien et sa soeur Absinthe ne pouvait être qu’exotique. Il faut dire que lorsque j’ai connu Snooze, Absinthe franchissait le cap difficile de l’adolescence et s’en prenait fréquemment (et à juste titre) à son frère cadet, que Snooze profitait de l’occasion pour en rajouter une couche, le tout sous les yeux de parents d’un calme olympien qui, habitués à la situation, n’y prenaient même pas attention.
Le temps à passé et les caractères se sont affirmés. Absinthe s’est transformée en petit papillon, S en Snooze, et son frère a exaucé son rêve le plus grand, devenir le chef d’une famille Disney (un grand pavillon près de Marne-la-vallée, une femme, deux enfants, deux voitures, un jardin, toujours pas de chien). Julien se fait allègrement servir par sa femme et prend toutes les décisions du couple car selon lui sa dulcinée est incapable d’avoir un avis, et confie la garde de ses enfants à ses parents pendant la semaine et les vacances scolaires (pratique, on peut leur faire confiance et cela ne coûte pas un rond). Sa vie est planifiée au millimètre et rien n’est laissé au hasard. Ses deux filles sont charmantes et vraiment très bien élevées. Si l’aînée reste calme et réservée, sa jeune soeur est bien plus (hyper)active.
Nous sommes arrivés la semaine dernière à Saint-Pierre Quiberon. La maison familiale était bien agitée. Julien était égal à lui-même et régnait en maquereau sur la petite famille. Personne ne lui faisait la moindre réflexion de peur de le contrarier. Il était notamment passé grand maître de la télécommande. Lui seul pouvait ainsi décider d’allumer la télévision et choisir le programme (une véritable horreur en cette période olympique où suivre en direct les sous-performances de l’équipe de France et lire l’Equipe et le supplément sport du Monde sont une obligation). Les filles étaient heureuses de voir débarquer Tonton Snooze et Tonton Alex (ouhlala chouette, un peu de fantaisie) et nous ont rapidement sauté au cou. Justine était triste car une de ses amies lui avait refilé des poux et elle commençait à en avoir assez de se gratter la tête. J’ai commencé à serrer les fesses car j’ai toujours eu une tête à poux et je me voyais déjà me récurer le crâne à la Marie-Rose. Il était hors de question que la tondeuse passe par moi.
Cet été, une règle a été imposée par les grands-parents. Chaque fois qu’un adulte ou un enfant prononçait un gros mot, il devait mettre dix centimes dans la tirelire dont la cagnotte servirait en fin de saison à s’acheter une glace chez le fameux épicier du village. Un midi, le mot pédé a été lâché par Snooze ou moi-même. Immédiatement, une des fille a dit « dix centimes tonton ». Pédé était pour elle un gros mot car les garçons de sa classe passaient leur temps à s’insulter en se traitant de sales pédés. Nous leur avons expliqué que nous étions deux pédés, c’est-à-dire des garçons qui aimaient des garçons. Pour elles, cela ne posait vraiment aucun problème car les choses étaient claires. Le chéri de son tonton, c’est son tonton aussi. Lorsqu’on est grand, on peut aimer une fille ou un garçon, que l’on soit une fille ou un garçon. En résumé, deux garçons, deux filles, quatre possibilités. Il a fallu cependant expliquer l’origine du mot pédé, l’homophobie, et surtout leur faire comprendre que si entre nous cela ne posait aucun problème, insulter une personne en la traitant de sale pédé ou de sale gouine revenait au même que de se moquer des origines ou de la religion d’une autre (bien que pénalement différent).
Les choses sont maintenant claires. Nous n’avons plus à remplir le cochon chaque fois qu’il nous arrive de lâcher un “pédé”.
Pédé! Pédé! Pédé!