Il y aurait tant à dire de ces trois premiers mois de cohabitation intérieure entre l'alien et moi.
Même si la tentation est grande de raconter ici tout le sel cette nouvelle aventure (si, si, c'est une vraie aventure, et d'ailleurs je me sens comme Sigourney Weaver quand elle découvre les mignons noeufs des moins mignons aliens), je sais que je dois fuir comme la peste mes tendances naturelles à l'exhaustivité (c'est mon côté psychopathe inquiétante, cette manie de ne rien vouloir oublier, de tout écrire).
Donc non, vous ne saurez pas tout et je ne dirai pas tout.
Parce qu'il me faudrait trop de temps (je n'envisage pas de pouvoir finir de TOUT raconter avant 2018), parce que ça serait inutile et chiant comme la mort, parce que je dois lutter contre mes manies psychotiques.
Voilà.
Alors voici un condensé de ce fameux "premier trimestre".
J'ai déjà évoqué les joies des hormones en folie à l'occasion de l'arrêt de la pilule.
Comme le faisaient si justement remarquer Ma'cha et Ophise dans les commentaires, le coup des hormones, comment dire, mouhahahahahahaha.
En fait, si on en entend peu parler, c'est tout simplement parce que le boulersement hormonal lié à l'arrêt de pilule, ce fameux état de furie de l'amour et du seske, est à peu près du niveau de l'importance du dernier cassage d'ongle de Miss France, si on le compare au cyclone + tsunami + tremblement de terre engendré par la grossesse.
Avec la grossesse, la notion d'alien qui prend possession de ton corps prend tout son sens.
Pendant ces trois mois, donc, il y a eu quelqu'un - ou quelque chose, allez savoir avec les aliens - qui a pris plaisir :
- à tenter de me lyophiliser. J'ai pleuré pour tout je pense. Les réveils difficiles, les victoires sportives, les défaites sportives, la fatigue, le chat qui ne veut pas monter sur mes genoux, le chat qui veut tout le temps monter sur mes genoux, Frédéric François, mon incroyable susceptibilité, la faim dans le monde et les guerres qui sont vraiment mais alors vraiment pas bien quand même meeeeeerde, etc etc etc...
- à tenter de me faire faire des abdos de force en me refilant des fou rire intempestifs au sujet de tout. Les réveils difficiles, les victoires sportives, les défaites sportives,la fatigue, le chat qui ne veut pas monter sur mes genoux, le chat qui veut... bref z'avez compris.
- à faire de moi une esclave de l'amour (on ne revient pas sur le sujet, je pense à m'inscrire aux seske-addict anonymes, tout-va-bien)
- à faire de moi une esclave de mon oreiller : j'ai dû exploser quelques records olympiques de dodo le plus long
- mais surtout, surtout, à provoquer ce dawa incroyable dans mon système digestif, me permettant tout à la fois de stocker plusieurs semaines de caca (on a frôlé l'explosion je pense) (mioum, ne me remerciez pas pour ces détails), d'expérimenter ce concept de "remontées acides" jusqu'ici inconnu de moi (et ça manquait teeeeeellement à ma culture), et bien sûr, de profiter de cet état nauséeux permanent. Non, j'exagère. En fait la sensation de mal de mer s'arrêtait parfois. Quand je dormais par exemple. Et quand je mangeais aussi (ben ouais, ça laisse bien 14 heures par jour d'état beuuuuuurk).
- L'alimentation est un sujet en soi. Depuis 31 ans que je me connais, je m'étais habituée à quelques rituels rassurants, du type avoir faim 3 fois par jours environ, être rassasiée après avoir fini mon dessert, ou faire un peu de place pour une deuxième part de gâteau au chocolat trop trop bon. Et je dois avouer qu'il n'est pas aisé de faire table rase de ce genre d'habitude. La cohabitation avec l'alien implique en effet une certaine écoute de ses sensations. Par exemple : "beeeeeeeeeeeu, j'me sens maaaaaaal" "ptêtre que j'ai faim en fait ?" "ok, bon, je vais tenter un peu de chocolat" "ah oui, tient, ça va mieux après un demi-carré" "rhâââââââ j'aurais jamais dû finir la deuxième moitié du carré de chocolat, j'ai troooooop mangé, j'me sens maaaaaaal". Déstabilisant, hein ? Pensez bien que jamais une malheureuse tablette de chocolat ne m'avait résisté jusqu'ici. Ça fait un choc, j'vous jure.
Pemettez moi de passer vite sur le ventre qui grossit, pas suffisamment pour être reconnaissable comme un ventre de femme enceinte, nooooooooon, mais juste assez pour être clairement identifié comme purement graisseux. C'est un traumatisme qui n'est pas encore tout à fait guéri.
Pathétique, oui, c'est le mot qui m'est souvent venu à l'esprit.
Et puis d'autres moins polis aussi. Ou plus désespérés :
"Chériiiiiiiiiiiiii, appelle un exorciste, j'en peux plus de l'alien"
Voire, je ne chercherai pas à le nier, légèrement énervés :
"P$*&@ de B@/ù£$ de M*$^`#, là, si je crie "sortez moi de là je suis une célébrité" le jeu il est sensé s'ARRETER, naméo !"
Je précise que oui, j'ai invoqué régulièrement par la pensée les milliards de femmes qui sont passées par là avant moi, et que non, ça ne m'a pas aidée.
J'ai beau savoir que certaines ont fait une pause de 10minutes dans leur vie pour déposer le bébé au milieu d'un champ, que d'autres ne connaissent même pas la définition d'une remontée acide ou d'une échographie, le malheur des autres, s'il me révolte, n'a jamais soulagé le mien.
Alors j'accepte d'être considérée comme la femme la plus douillette du monde et je vous merde.
(ah oui, je vous ai déjà parlé des hormones et de ma susceptibilité je crois).
(le dalai lama devrait prendre quelques cours de zenitude avec mon chéri à moi que j'ai).
Voilà.
Et pour couronner le tout, ces trois mois là sont l'occasion de réaliser qu'on est perçue comme une alcoolique notoire, puisque malgré tous les efforts déployés pour garder cette grossesse secrète, toutes vos amies vous grillent au premier cocktail sans alcool commandé.
Pas la peine d'essayer de les détromper ou de leur mentir, leurs regards en disent long : vous êtes Sue Ellen et vous avez commandé une menthe à l'eau, pas la peine de la leur raconter.
Je ne parle pas que de vous, les blogueuses qui allez vous dénoncer dans les commentaires - n'est ce pas ? - mais je parle de vous AUSSI, surtout que vous, vous m'avez grillées alors que le test de grossesse était encore frais, 'spèces d'espionnes ;-)
Bref.
3 mois qui ne seront certainement pas les meilleurs de ma vie.
Aucun sentiment de "maternité" à l'horizon, juste une furieuse envie de sortir de cet état tellement beurk, et une question lancinante : "mais comment est il possible que les gens fassent parfois un deuxième ?"
(et bien sûr, l'énoooorme sentiment de culpabilité pour oser avoir ce genre de pensée alors que, je vis la plus belle chose du monde (je cite))(citation qui appelait généralement une réponse très fort dans ma tête du type : "Ta gueule")(ahum).
Un élément de réponse pour expliquer ce phénomène étonnant qui amène certaines à recommencer : le quatrième mois.
Disons d'une manière générale, la suite de l'aventure entre Sigourney et son alien, les règles de cohabitation qui se mettent en place, et toutes ces nouveautés curieuses et excitantes qui font oublier ce qui est déjà passé.
Bon ben, à suivre comme on dit...