Magazine Journal intime

Relire Huysmans

Publié le 15 juin 2007 par Stella

Relire Huysmans est un plaisir rare, tant nous sommes encombrés de livres nouveaux, de sollicitations multiples, de désirs de lecture inassouvis que rien, jamais, ne pourra combler. Nous arrachons du temps au temps pour nous poser, de ci, de là, un livre à la main. Assis de guingois dans le métro, l’oeil du voisin lorgnant nos pages, nous tentons désespérément d’échapper au vacarme et à la foule. Coincés entre les accoudoirs dans le TGV, nous essayons d’oublier l’atmosphère étouffante et poussiéreuse, la promiscuité. Les genoux sous le menton dans l’avion, nous tâchons de survivre à l’immonde odeur de bouffe, voire aux gargouillements manducatoires de cet autrui encore et toujours omniprésent. Bref, lire est une entreprise difficile en ces temps où nos vies ne doivent tendre qu’à travailler plus. Qui, sauf à avoir les lettres comme métier, a vraiment vacance pour s’installer confortablement dans un élégant fauteuil Voltaire ou sur un Chesterfield et se plonger dans un livre ? J’ai envie de répondre “moi” mais je m’en garderai, la liberté dont j’ai disposé ces deux derniers jours n’étant due qu’à la mystérieuse disparition de ma rédactrice en chef dans le brouhaha de son Italie natale.

J’ai donc relu J.K. Huysmans, son petit Gilles de Rais, un court Paris suivi de deux versions d’un En Hollande qui m’était inconnu. Quelques nouvelles : Sac au dos, Dilemme, La retraite de monsieur Bougran et, surtout, l’excellent A vau-l’eau, pur chef-d’oeuvre de la littérature du XIXème siècle.

Je dois ce plaisir à la merveilleuse librairie La Procure. Une belle opération publicitaire car j’y allais pour retirer un livre-cadeau offert par Le Monde. Or, tout le monde sait qu’il est particulièrement difficile de ressortir de La Procure avec un seul ouvrage, tant la tentation est grande d’en saisir une demi-douzaine dans les rayons avec le sentiment profond d’avoir acquis les derniers exemplaires d’une réédition longtemps attendue.

Je ne regrette rien. Mon tête-à-tête de deux jours avec Huysmans m’a portée aux nues. Tiens, d’ailleurs, me vient à l’instant à l’esprit une petite réflexion. Il y a quelques semaines, une mienne amie des Landes était de passage à Paris. Pour des raisons connues de nous, je lui conseillai la lecture de Sainte Lydwine de Schiedam, extraordinaire oeuvre du susdit Huysmans, parfaitement introuvable (jusqu’à ce que je découvre une réédition à La Procure). Nous allâmes cependant dans un autre de mes repères, la Librairie du Graal, sise dans la petite rue Jean-Jacques Rousseau, près du Palais-Royal. J’y dénichai ce corpus delicti que j’avais repéré quelques temps auparavant et le lui offrit. J’avais acquis le mien à cet endroit même il y a près de vingt ans. Je me souviens qu’il y avait alors deux exemplaires. Je me plais à penser que c’est ce second livre, délaissé à l’époque, que j’ai acheté.


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