La guerre cachée de l'energie

Publié le 20 août 2008 par Rvk

voici un autre aspect de l'affrontement Russie-Georgie ...... Un texte de Nicolas Duguay

 

Après quelques jours de combats dans le Caucase, les prix du baril de pétrole brut sont repartis à la hausse, mardi, sur le marché new-yorkais, avant de se replier en fin de journée.

Mardi matin, l'annonce d'une attaque des forces aériennes russes sur l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) n'avait pas provoqué de réaction sur les prix du pétrole. Dans les échanges électroniques, le baril touchait 110 $US à New York, soit le prix le plus bas depuis la fin du mois d'avril.

« Les Russes ont bombardé l'oléoduc BTC au sud de la ville de Roustavi », a déclaré le secrétaire du Conseil de sécurité de Géorgie, Alexandre Lomaïa, tout en ignorant si la structure avait été endommagée.

Des accusations rejetées par le commandement russe. Quant à la pétrolière BP, qui exploite l'oléoduc, elle affirme qu'elle n'a pas été informée d'une quelconque attaque contre l'oléoduc.

Mais peu de temps après, le groupe pétrolier BP a annoncé la fermeture par précaution d'un oléoduc et d'un gazoduc dans le Caucase en raison du conflit armé entre la Géorgie et la Russie.

Après un bref sursaut, le baril de brut a finalement perdu 1,44 $US pour terminer la journée à 113,01 $US à New York.

Un conflit qui carbure au pétrole

« Notre région n'est plus une impasse, elle gagne en importance et surtout, en indépendance », estimait, en 2006, le président géorgien Mikhaïl Saakachvili au moment de l'inauguration de la fin des travaux sur le tronçon géorgien du gigantesque pipeline Bakou-Tbilissi-Ceyhan. Deux ans plus tard, cette déclaration doit avoir un arrière-goût bien amer pour le président Saakachvili qui voit maintenant les blindés russes menacer sa capitale. Il soutenait, à propos de ce même pipeline, qu' « il s'agit de bien plus que de gaz et de pétrole ».

Le conflit qui déchire actuellement le sud du Caucase illustre en effet à quel point les grandes puissances peuvent s'entredéchirer pour sécuriser leurs approvisionnements énergétiques.

Pour bien des analystes, l'invasion russe de la Géorgie, officiellement initiée pour venir en aide aux quelques dizaines de milliers d'habitants de deux petites régions séparatistes, n'est ni plus ni moins qu'une tentative par Moscou de préserver sa chasse gardée énergétique.

La Géorgie, un petit pays coincé entre la mer Caspienne et la mer Noire, entre l'Asie centrale et l'Europe, s'est imposée comme une route de premier choix pour permettre à l'Europe de l'Ouest de se dégager de la domination énergétique russe. Ainsi, un oléoduc comme le Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) permet d'évacuer le pétrole de la mer Caspienne depuis la ville de Bakou, en passant par Tbilissi, jusqu'au port turc de Ceyhan, sur la Méditerranée, le tout en évitant de passer par la Russie.

Il est prévu que lorsqu'il sera effectif à 100 %, vers 2009, l'oléoduc BTC fournira aux marchés mondiaux plus de 1,2 million de barils de pétrole par jour, soit, à lui seul, environ 1 % de la production quotidienne mondiale.

Plus grave encore qu'une perte subséquente de revenus pétroliers pour Moscou, l'entrée en fonction du BTC représente une sérieuse brèche dans le contrôle exclusif qu'exerçait jusque-là la Russie sur le pétrole et le gaz de la Caspienne.

Conscient de cette menace, la Russie a dès lors oeuvré à l'affaiblissement du gouvernement géorgien en appuyant les mouvements autonomistes ossètes et abkhazes. Officiellement, les forces russes mènent une mission de maintien de la paix dans la région. Et pendant ce temps, les États-Unis, soucieux de contrer les velléités monopolistiques russes, ont entrepris de faire de la Géorgie leur principale antenne dans le Caucase, fournissant Tbilissi en armes et en argent et l'invitant même à se joindre à l'OTAN.

Des analystes ont même accusé Washington d'avoir surestimé les réserves de la mer Caspienne pour justifier un pipeline, le BTC, assurément plus rentable « politiquement » qu'économiquement.

L'Union européenne devra donc, si la Russie réussit à imposer son influence sur Tbilissi, revoir sa stratégie pour se dégager de la domination énergétique russe.

Source : Radio-Canada.ca avec Agence France Presse, Associated Press, Reuters, Le Point, Le Monde et RFI