Magazine Journal intime

Sans Stastny

Publié le 15 novembre 2023 par Barbu De Ville @barbudeville

Photo Source: La Presse

Keith est loin! Il est surtout loin de lui-même. Un genre de solitaire comme il s’en fait put. Un homme maigre et nerveux au métabolisme aussi bizarre qu’il peut l’être. Je n’ai jamais vu de mes yeux vus quelqu’un manger autant dans une journée. Il mesure environ 6’ et ne pèse pas plus que 130 lb mouillées avec une chaîne de bicycle dans la yeule, vous comprenez le principe.

Il ingurgite les calories à une vitesse folle, mais ne prend jamais une livre c’est plutôt le contraire. Il est né ainsi métabolisme oblige. Vous n’êtes pas dans une nouvelle littéraire quelconque. Vous êtes dans cette histoire directement dans mes souvenirs de gars d’usine! Keith ou Stastny, c’était le surnom que je lui donnais, car il est slovaque comme l’ancien capitaine des Nordiques le #26 Peter Stastny. Il était à une certaine époque mon partenaire de forklift en plein cœur du boulevard industriel à ville Saint-Laurent.

J’ai souvenir d’un bon gars, d’un bon « yâbe » comme on dit, mais qui ne se présentait pas un jour sur deux à l’ouvrage. Un sacré chauffeur de lift qui pouvait ‘’flipper’’ un trente sous du sol sur ses palettes d’en avant. Un gars d’usine efficace au possible quand il était là. Souvent même parmi nous avec nous il n’était pas là. Il aura aidé sa pauvre vieille mère jusqu’à la fin, mais dans le cas qui nous concerne qui avait besoin de qui? La question demeure entière.

Keith aime tellement la musique qui se considère musicologue et je le crois sans aucune hésitation. Il avait d’ailleurs des airs de ses gars de ‘’band’’ londonien du début des années 80, très punk dans l’âme et dans le style! Un peu beaucoup à vouloir sauver la veuve et l’orphelin.

Oui c’est absolument et totalement Keith pour le meilleur et pour le pire. Vous aurez compris entre les lignes que mon chum d’entrepôt et d’infortune ne pourrait faire mal à une mouche sauf à lui-même.

Il est facile de juger dans la vie, on le fait tous et c’est presque un sport national au Québec, j’ai l’impression. Pourquoi l’antihéros de notre histoire manquait tant de jours dans une année? La maladie, les extra-terrestres, le mal de vivre, l’ennui, la paresse, les crises de panique? Peut-être un peu toutes ses réponses si vous voulez mon avis de Sherlock Holmes.

Keith avait simplement peur d’avoir peur, je crois, c’est mon diagnostic de docteur de pacotille. Je suis diplômé dans le ‘’j’pense bin’’, il me semble que. Je niaise, mais Stastny faisait souvent des crises de panique, souvent comme à répétition. Quand tu vis à l’envers du sens contraire du bon sens établi par la société c’est difficile de marché ‘’drett’’ comme le ‘’foreman’’ le voudrait. Il marchait plutôt comme un cheval aux échecs.

Souvent seul dans son 2 et demi avec vu sur un autre HLM pareil comme le sien, incapable d’être en amour tout à fait comprenable quand tu n’es pas capable de t’aimer toi-même.

Souvent il est perçu comme étranger aux yeux des autres, finalement quand je regarde aller la planète je ne le trouve pas si étrange. Il souffre seul et ne dérange personne, même pas son ombre. Si Keith avait souffert physiquement, il aurait eu la compassion de tous, de son contremaître, de ses collègues, de ses frères, mais comme c’est entre les deux oreilles ça ne compte pas dans notre société. Le hashtag Bell pour la cause s’est fait finalement pour les PDG de grosse boite qui se donnent bonne conscience une fois par année.

J’ai quitté le boulevard industriel de ville Saint-Laurent par écoeurement, car j’étais tanné du trafic vers Saint-Jérôme. J’ai gardé contact avec Stastny via messenger et les textos une fois de temps en temps, pas trop trop, mais steady comme dirait Richard Desjardins. Lui aussi a quitté le bateau de Saint-Laurent pour aller vers d’autre bateau du même acabit ne sachant pas faire autre chose. Il est pogné avec lui-même , c’est probablement son plus grand malheur. Peu importe où il ira sur la planète, il sera toujours dans sa propre peau, dans son squelette.

Aujourd’hui Keith n’a pu de code postal, ce qui est primordial quand les mois d’hiver débarquent en ville. Il n’installera pas noël chez-eux en décembre, car il n’a plus de chez eux pour se cacher. Mon collègue est maintenant un sans-abri, maintenant je peux mettre un visage sur cette population qui souffre en silence, qui est presque invisible à nos yeux.

Il trimballe son sac à dos dans les rues de Cartierville, de peine et de misère. Il va ‘’bumer’’ du WiFi dans les Tim Hortons jusqu’à tant qu’on le ‘’crisse’’ dehors. Il vit sa vie d’itinérant lui qui aurait donné sa chemise pour aider les autres.

Si un jour froid d’hiver, ça vous à donne de passer par Cartierville et que par le pur des hasards vous apercevez un homme maigre sans cheveux, à la barbe longue, aux lunettes en forme de fond de bouteille qui siffle des airs des Ramones ou de Nirvana c’est clairement un bon yâbe qui va accepter tout ce que vous allez lui donner.

Dites-lui svp: STASTNY!!! V’là du change, quand tu vas vouloir te faire aider, tu sais qui texter!!!


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