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Béatrice Bonhomme | Deux paysages pour entre les deux, dormir

Publié le 12 décembre 2023 par Angèle Paoli

< Poésie d'un jour

                                                                                                                                                                 

                                                                                                                                                          

Dessin-marelle

Source: Google image 

Sauter dans la craie d’une marelle

On avait effondré les dernières illusions, et c’est là qu’on se retrouvait libres,

ouverts au moindre feuillage, à l’escargot polissant son miroir, à l’araignée

fourbissant ses pattes fines pour tisser la toile d’un cercle de lumière.

On n’avait plus regardé que le visage de ceux qui rient au soleil et tendent les

mains vers la chaleur d’une halte.

On avait ramassé des fruits de saison et attendu que la pluie vienne.


On avait dispersé des cendres d’amour sur des rochers face à la mer et faussé

Compagnie aux tombeaux de toutes sortes. Les tombeaux des mots, ou de

pierre. Il n’était plus resté que des maisons de feuille et des cris perdus dans le

vent.

On avait été heureux car on ne tenait plus à rien. On avait dessaisi les matins

comme les soirs, les fleurs comme les oiseaux s’étaient envolés des mains

déployées.

Il n’y avait plus de cages, plus de bonjour ni d’adieu.


Il y avait ces risées de vent qui plongent sur les mares et savent les friser, il y

avait l’eau verte d’un étang qui miroite dans l’éclaircie et le vélo qui habite les

paysages.

Devant l’école abandonnée restait la craie d’une marelle, le haut d’un cercle, le

ciel ou l’enfer qu’importe.

Seul le bond d’une case à l’autre gardait la courbe d’une danse et le caillou

était resté pris entre deux tracés de nuit.

Le caillou, lâché par hasard au milieu entre deux cases, restait là, pour d’autres

mains d’enfants, un jour, refermées sur lui.

Le lieu semblait attendre de nouveaux cris, des rires d’enfants. Les anciens

avaient déserté.

Il ne s’agissait plus de coquillage ou de fossile mais d’un simple galet plat qui

avait nié toutes les empreintes, qui avait perdu les traces.

Le fossile en coquillage, celui en forme de cœur momifié, serait redevenu un

galet sur lequel était passée la mer, au point d’avoir effacé tous les sillages.


Entre la craie et le galet, s’était renouée une complicité d’enfance, celle des

objets du monde qui ont retrouvé la force des épaves.

BÉATRICE BONHOMME(1)


Béatrice Bonhomme, Deux Paysages pour entre les deux dormir, avec Palimpseste pour accompagner , Éditions VVV Éditions, 2018

BÉATRICE  BONHOMME

Béatrice Bonhomme Bourdelas 2

D.R. Ph. Laurent Bourdelas
■ Béatrice Bonhomme
sur Terres de femmes ▼
→ Mutilation d’arbre (lecture d'AP)
→ Le pacte des mots
→ Passage du passereau
→ [Les petits chevaux de Tarquinia]
→ Poumon d'oiseau éphémère
→ Sauvages
→ T’écrire adolescent
→ La terre rouge
→ Tes nuits sont devenues mes jours
→ Variations du visage & de la rose (lecture de France Burghelle Rey)
→ (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) Un lacis de sang et d'ombre
→ (dans la galerie Visages de femmes) le Portrait de Béatrice Bonhomme
     par Guidu Antonietti di Cinarca, un poème extrait de Poumon d'oiseau éphémère 
■ Voir aussi ▼
→ (sur la site des éditions L’Étoile des limites) la fiche de l'éditeur sur Les Boxeurs de l’absurde
→ (sur Terres de femmes) Kaléidoscope d’Enfances
→ (sur Wikipedia) une belle bio-bibliographie de Béatrice Bonhomme
→ (sur Terres de femmes) La rencontre Hölderlin-Jouve-Klossowski par Béatrice Bonhomme et Jean-Paul Louis-Lambert
→ (sur le site de la Revue d'art et de littérature, musique) un entretien de Rodica Draghincescu avec Béatrice Bonhomme (Numéro 45 - décembre 2008)



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