1953 – Le Maroc. Le CCIF

Publié le 15 décembre 2023 par Perceval

Lancelot a plaisir à garder un lien constant avec le CCIF ( fondé en 1941 ), avec qui il avait initié un compagnonnage lors de la discussion qui s'était déroulée le 21 janvier 1947, organisée par l'équipe '' Science et conscience '' du CCIF, entre le P. Teilhard de Chardin et Gabriel Marcel. Il y retrouve - lors de grandes conférences mais aussi dans des ateliers plus restreints - des ''réformateurs'' formés par Maritain, des personnalistes, des collaborateurs de Sept, Témoignage chrétien, Esprit, de nombreux écrivains et des scientifique. Etienne Borne va devenir l'homme de référence du CCIF, il est professeur de philosophie en Khâgne à Henri IV et a été l'un des fondateurs du MRP.

Le prêtre, Emile Berrar, est le ''permanent'' du CCIF, directeur de la Maison des étudiants, il fournit l'infrastructure et les locaux. Il va devoir gérer de nombreuses difficultés ''avec Rome'' jusqu'à son départ en 1957. Il est l'expert du milieu ecclésial et de l'orthodoxie théologique, et la caution auprès de l'archevêque de Paris. D'autres prêtres, en particuliers jésuites ou dominicains, participent aux débats : les pères Maydieu, Chenu, Congar, Daniélou, Dubarle, Russo, René d'Ouince ( confident de Teilhard), Fessard, Calvez, Chatillon, Brien...etc

Le 26 janvier 1953, Lancelot se rend avec près de cinq cents personnes à une réunion organisée par le CCIF, en présence de François Mauriac, sur l'Afrique du Nord. Le prix Nobel rappelle sa position (avec Maritain et Bernanos) sur Guernica et l'Ethiopie. Les animateurs à la tribune relatent " les choses horribles qui se passent au Maroc. " " des événements sanglants... sanglants, mais surtout pour les arabes... ". Robert Barrat - journaliste, secrétaire général du CCIF - parle de plusieurs centaines de morts marocains, et dénonce le silence des autorités françaises. François Mitterrand, ancien ministre, monte à la tribune pour dénoncer la politique française en outre-mer depuis 1945. Ils demandent une commission d'enquête pour officialiser ce qui s'est passé en décembre 1952 à Casablanca, le nombre exact de victimes... Des articles du Monde, de La Croix, de Témoignage Chrétien, en font largement écho.

Pourtant, Jean de Fabrègues, ami de Lancelot et directeur du journal '' La France catholique'' appelle au nom de la France au retrait des intellectuels catholiques afin de ne pas alimenter le trouble des consciences.

En métropole, les français peu au courant, ils hésitent entre la fermeté et un silence gêné quand on parle de l'honneur de la France...

Alors, qu'en est-il ?

Lancelot se renseigne auprès de " sa famille au Maroc " comme il dit. Les nouvelles parvenues le renseignent sur le devenir professionnel de Georges Vétillard au sein d'abord de l'entreprise Gagneraud, puis de Giesper où il gagne en responsabilité. Il est responsable des travaux de la piste aéroport pour avion à réaction, de l'Aéroport Rabat-Salé ; puis de l'exploitation d'une carrière de ballast, pour l'empierrement de la cour du Palais du Sultan.

Micheline ( Haquet) qu'a connue Félix ; a donné naissance le 10 décembre 1951 à Régis, de qui elle envoie une photo de classe en maternelle. Ils sont logés par l'entreprise dans une villa du quartier de l'Agdal, à Rabat, où vivent la plupart des Français expatriés.

Elle raconte les événements de décembre 1952, qui ont commencé après la connaissance de la mort d'un leader tunisien, tué le matin du 5 décembre 1952 par les autorités françaises. Il militait pour pour la création d'une Union syndicale nord-africaine regroupant les syndicats en naissance au Maroc, en Algérie et en Libye. Dès l'annonce de sa mort, des émeutes sanglantes ont été déclenchées à Casablanca faisant plusieurs morts et blessés, avant de faire tâche d'huile et s'étendre ainsi à travers tout le Royaume.

Je rappelle à présent l'Histoire :

- Le sultan du Maroc réclame en vain, depuis la fin de la guerre, la révision du protectorat français au Maroc. (Le Protectorat est un gouvernement ''colonial'', avec des institutions marocaines sous le contrôle de la métropole.)

En janvier 1943, le sultan Sidi Mohammed Ben Youssef est fait prisonnier par l'administration de Pétain. Le Parti de l'Istiqlal fondé pour obtenir l'indépendance et réhabiliter la monarchie, devient clandestin et son projet est soutenu par les américains.

Après la guerre, Sidi Mohammed soutenu par les mouvements nationalistes, s'oppose au gouvernement français. Le général Augustin Guillaume manœuvre avec d'autres élites marocaines, notamment le Glaoui, pacha de Marrakech, l'ouléma de Fès et les tribus berbères. Après les émeutes de 1952, Sidi Mohammed est déposé le 20 août 1953, et déporté en Corse puis à Madagascar.

Qu'en penser ?

Paul Ricoeur, propose de faire un peu de philosophie de l'histoire, pour savoir dans quel sens est en train de se dérouler l'Histoire, pour savoir si c'est dans le sens de l'Istiqlal ou dans celui d'El Glaoui ?

- Ne faut-il pas, nous demande t-il, interpréter les mouvements d'ensemble des peuples de couleur et par conséquent interpréter l'ensemble d'une telle situation ; ce qui sera, sinon une philosophie de l'histoire, en tous cas une interprétation critique d'un morceau d'histoire sur une certaine durée ?