Avant les réseaux sociaux, personne n'avait l'idée de se tirer le portait 100 fois par jour en des selfies selfeurs. On n'imaginait pas, une Bimbo presque nue sur un passage clouté en pleine heure de pointe faire son numéro de bougeâtes de fesses comme si c'était normal, filmées par un bac moins 25 à casquette à l'envers et bermuda teinte vomi qui postera " l'œuvre " sur Insta, TikTok et autres trucs déglingues.
En ce temps-là (avant 2010), on gardait son quant-à-soi... Mais de nos jours, n'importe quelle écervelée à gros pectoraux et mini-mini culotte cache machin, s'exhibe sous les hourras de mâles en rut et se fait un pognon de dingue à secouer l'étalage ! Ya les followers, les suiveurs qui payent un abonnement pour reluquer la donzelle dans son quotidien, je dirais même son con-tidien... Elle place des produits aussi improbables que des sachets d'urine millésimés en bouteilles parfum ou encore une Maeva qui fait la promotion à ses millions d'abonnés d'une opération pour "rajeunir" son vagin. " Je trouve que c'est super important d'avoir un beau vagin. Genre moi j'ai de la chance, j'ai vraiment un beau vagin, je n'ai pas les lèvres qui dépassent, mais il faut l'entretenir. Du coup, c'est trop bien. Genre là, c'est comme si j'avais 12 ans. " [i] On trempe même dans la criminalité avec une Mélanight, qui a fait la promotion d'un site proposant de faux arrêts maladie, des annulations d'amende, des cartes de statut "handicapé" ou encore des faux permis. C'est la cour des miracles qui rencontre le caravansérail.
Regarder ces courtes vidéos TikTok DingDong, où une fille très jeune montre ce qu'elle a à cacher, cartonne en centaines de milliers de vues, alors qu'à côté, un gamin de 8 ans jouant du piano comme un dieu totalise moins de 50 views... On voit là où en sont les priorités de notre sinistre époque : des, je, des fesses et du fric, tout ça enrubanné dans sa boite à vulgarité abyssale et bêtises de kan brait.
De tous ceux qui vivent sur cette planète, nous sommes les plus gâtés. Le soir, devant une bonne bouffe, on se mate une série sur NetFlix, alors que dehors, c'est la survie animale : chaque être vivant passe sa vie à chercher sa pitance, tout en pensant à bien regarder derrière, car les prédateurs sont là, prêts à croquer tout cru. Toujours devoir humer l'air afin de débusquer le prochain repas, toujours à avoir des yeux sur rotules, histoire de voir venir le grand méchant loup... Pendant que le radiateur donne ses 20 degrés de chaleur ou que la cheminée crépite, qu'il fait bon et chaud at home, dehors, il y a des renards qui font les poubelles, un cerf qui vient de se faire écraser par un chauffard et un sanglier qui se prend une balle entre les yeux, Quant à nous, les bipèdes Cro-Magnon, on n'a qu'à tendre le bras et ouvrir le frigo. Pourtant, n'importe quel écureuil croisé dans un parc, n'importe quel matou qui roupille, n'importe quel clébard à l'air heureux chaque jour sur terre, et n'a pas besoin du support d'un psy, de bibine, de dope & cachetons pour accepter sa condition. L'animal frétille de la queue pendant que nous, on l'a sous le bras... Même les plantes participent à la fête pastorale ; les peupliers bruissent, l'eau clapote, l'océan mugit et la pierre roule et n'amasse pas mousse. La vie est une symphonie, ou, nous, les deux pattes à grosse cervelle, jouent de plus en plus faux. À quand le grand couac ?
S'allonger au long d'un ruisseau et écouter la chanson de l'eau vive, ouvrir un livre et avoir l'esprit qui baguenaude, écouter et sentir une musique qui envole, regarder le ciel et y trouver dans chaque nuage la forme que notre esprit invente, et puis, à deux, c'est encore mieux : le chant des grillons, les frelons qui frelonnent, au loin, les cloches d'une église et... En regardant celle que j'aime, je me dis : " c'est simple, c'est beau la vie "... C'est à ce moment-là qu'il y aura un coup de klaxon, une bagnole qui s'arrête, musique hurlante en tête, et certainement des crétins chasseurs de selfies, tapageurs et gâcheurs de quiétude... Toutefois, il y a eu ce moment de torpeur, revitalisant, régénérant ; comme un coin de paradis à peine entre-soulevé. Ça, nous les humains, nous pouvons nous le payer, mais essayez donc d'être un mulot, une chouette, un arbre à aubépine ou un chardon... Tu es béni des dieux et tu ne le sais pas, m'a dit un jour l'ortie en me piquant.
Plus loin que le fleuve, qui gronde - Plus loin que les vastes forêts - Plus loin que la gorge profonde - Je fuirais, je courrais, j'irais ! (Les orientales V. HUGO)