À l’époque dans mon quartier d’enfance, je laissais la neige tomber.
Un jour, j’ai perdu mon cœur d’enfant. Je ne sais pas où, je ne l’ai jamais retrouvé. Probablement qu’il est avec ses bas pas pareil,ses gants et tuques que je perdais au primaire à une vitesse folle. D’ailleurs, mon fils a la même maladie que moi. Il est déjà revenu de l’école en plein hiver avec une seule botte! L’autre court toujours au large, je ne sais où. J’espère qu’elle est tombée au pied d’un petit morveux qui a perdu une botte lui aussi.
Chaque tempête de neige me rappelle mon quartier d’enfance. Chaque tempête me rappelle l’odeur du froid après trop de temps à l’extérieur, me rappelle que ma mère se choquait parce que je ne rentrais pas pour dîner et elle devait sortir dehors et presque crier pour que je vienne souper, l’euphorie d’apprendre que l’école est fermée, le bonheur de marcher dans la neige qui crispent sous vos semelles de botte Sorel!
Mon quartier à l’époque à ce moment précis était enfermé dans une boule de Noël! Et le grincheux était un vieux soulon qui buvait du vin chaud et pour dire la vérité notre Nicolas n’était pas vraiment un saint.
C’est simple, les soirs de semaine ou le weekend, le seul temps que je fusse dans le logement familial c’était pour l’émission Bagatelle, le Canadien ou pour dormir! Ce qui fait que j’avais le bout des orteils gelés en permanence de novembre à mars inclusivement. Je me souviens surtout que j’étais plus souvent heureux que malheureux surtout le soir, la fin de semaine, pendant les vacances, mais surtout pendant les journées de tempêtes de neige, congé improvisé. C’est d’ailleurs à cette époque que j’ai appris le mot improvisation au même moment je découvrais Robert Gravel.
Les flocons qui tombent dehors, le spectacle est féérique à travers la fenêtre de ma chambre. À l’écran de télé à Radio-Québec, c’est La Ligue nationale d’improvisation. J’ai un chocolat chaud dans les mains et le bonheur est facile, à porter de main c’est comme s’il était palpable . C’est à ce moment précis une improvisation simple, jouer en toute innocence.
Parfois, la vie s’arrête comme si la terre avait arrêté de tourner juste pour nous. Le bonheur est un moment burlesque qui dure le temps d’un sourire.
Cette semaine à Montréal, c’était la première tempête de neige avec un beau cocktail de précipitations ( c’est mon petit côté Colette Provencher). Première neige qui reste au sol presque à la mi-janvier.
Étonnamment, je n’ai pas chialé. Zéro, niet, nada! Pourtant j’aurais pu comme avant m’apitoyer sur mon sors d’adulte responsable. Chialer et chialer jusqu’à perte d’identité.
Soir de tempête, soir de spectacle au Centre Bell, la ville ce soir était dans le creux de la main du rappeur Travis Scott, je laisse la neige tomber, je laisse la neige tomber sur les édifices du centre-ville. Je la laisse tomber comme dans mon enfance. Je suis au cœur du centre-ville, il neige à gros flocons, le vent entre les édifices à perte de vue pourrait pousser le Titanic tellement il est puissant. Moi je me stationne avec le bonheur d’Amélie Poulin entre les oreilles et le sourire niais de Juste Leblanc. Les enfants sont au centre Bell et vivent une soirée mémorable pendant que moi je laisse tomber la neige avec ma blonde au restaurant. Personne ou presque dans les rues, nous avons la rue st-catherine au complet comme place de stationnement. C’est comme si le centre-ville était dans une boule de Noël.
J’ai retrouvé mon cœur d’enfant à 50 ans en pleine tempête de neige, mon nom est barbu de ville.