<<Poésie d'un jour
Peinture : → Caroline François-Rubino
ÊTRE VIVANT
Pour écrire un poème
il faut être vivant
de tous ses vocables
infinitésimaux
et pour être vivant
avoir regardé longuement la mer
jusqu’à ce que les yeux soient couleur mer
avec des oiseaux de mer peints sur le ciel de l’iris
avoir respiré le ressac par bouffées
jusqu’à ce que les parfums de mer
migrent au profond des pores
avoir écouté toute une vie la scansion de la mer
pouls cosmique de l’univers
pour écrire un poème
il faut renaître sans cesse
enfanter en soi les morts
bercer les noyés devenus varech
écouter la mer chuinter
un mot toujours le même difficile
à déchiffrer quelque chose comme :
é-bau-che é-bau-che é-bauche
et pour cette é-bau-che commencer non par les mots
mais par le rythme et regarder
les dessins de l’écume sur le sable
nager en avant et à rebours
de siècles en siècles
jusqu’à retrouver en soi
le oui central
rayonnant et dansant
sur la chair du monde
passé présent
et futur
VAGUE
Citron
Du
Matin
Cueilli
Dans
Le Jardin :
Jus
De
Soleil
MUE
Avant d'entrer dans la mer
respirer
rester debout tout au bord
eau à mi-cheville
regarder les zigzags du soleil
au fond de l’eau
écouter le poème
monter en soi
respirer
se prosterner plusieurs fois
devant les scintillements du soleil
qui crépitent entre les vagues
respirer
entrer dans l’eau lentement
sentir la fraîcheur
grandir
entre les vertèbres
jusqu’au frisson
commencer à nager
écouter le poème
qui voudrait sortir du corps
se ramifier
respirer
à force de nager
ce n’est plus le moi qui nage
ça nage en lui
et rayonne
dans les bras dans les jambes
le long de la colonne vertébrale
jusqu’au sommet du crâne
respirer
pourquoi tout à coup
avoir la sensation de réveiller
quelque chose comme
l’androgyne en soi
respirer
porter les morts sur le dos
l’androgyne se développe
écouter le poème
se composer
sentir l’androgyne
croître
la sérénité de l’androgyne
sentir l’union
dans le ventre
du masculin
et du féminin
nager
accoucher lentement
de l’androgyne
dans les vagues
écoute
le poème
arrive en même temps
à terme
le lointain
est si proche
croire le toucher
respirer
toute rive
soudain
s’efface
VAGUE
Garder
Toujours
Un
Peu
De
Mer
Au
Creux
De
La
Main:
Il
Nous
Relie
À
La
Résonance
Universelle
Michèle Finck, « V, Santa Reparata » in La voie du large, Couverture : → Caroline François-Rubino,
Arfuyen 2023, pp. 110,111, 116, 117,118,119, 120.
MICHÈLE FINCK
Image, G.AdC
■ Michèle Finck
sur Terres de femmes ▼
→ Connaissance par les larmes (lecture d’AP)
→ [Chostakovitch, Tsvetaïeva, Akhmatova] (poème extrait de La Troisième Main)
→ La Troisième Main (lecture d'Isabelle Raviolo)
→ Pitié (poème extrait de L’Ouïe éblouie)
→ [Cette fois nous parvenons à travailler] (poème extrait de Poésie Shéhé Résistance)
→ Sur un piano de paille (lecture d’AP)
→ Variation 9 :: À Glenn Gould 1981 (poème extrait de Sur un piano de paille)
■ Voir aussi ▼
→ (sur le site des éditions Arfuyen) une notice bio-bibliographique sur Michèle Finck
→ (sur le site des éditions Arfuyen) une page sur Connaissance par les larmes de Michèle Finck
■ Voir | écouter encore▼
→ (sur Terres de femmes) 22 septembre 1962 | Sortie de Mamma Roma (Pier Paolo Pasolini)
→ (sur YouTube) la séquence finale de Mamma Roma =>