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Le bois à McKenzie

Publié le 30 janvier 2024 par Barbu De Ville @barbudeville

Il y a très longtemps, tellement longtemps qu’autour de la rivière du Nord, il n’y avait pas de forêt, ni de ciel, ni de soleil! Un enfant aurait voulu faire une cabane dans le bois et c’est comme ça simplement que le bois à McKenzie a poussé aux abords de la rivière du Nord!  Une forêt comme celle de McKenzie ne pousse pas comme un plant de tomate. Ça pousse par le désir. Le bois à McKenzie c’est en quelque sorte la forêt enchantée du comté d’Argenteuil!

Rien qu’on ne peut expliquer scientifiquement bin évidemment! Vous êtes dans ces pages directement dans un conte rural! Vous êtes dans un vortex littéraire. Ne regardez pas à gauche ni à droite, restez concentré au milieu de ce conte pas rendu au milieu. Vous êtes avec moi au bord de la rivière de mon enfance. Nous sommes avec les grenouilles de « swamp », celles avec les plus belles cuisses à l’est du pays! Des cuisses à faire rougir ces danseuses de French cancan! Des ouaouarons immenses qui font plier les nénuphars en deux, des barbottes remplies de mercure qui cherchent la chaleur du soleil, des chevreuils qui se demandent c’est quand le temps de la chasse cette année, des écureuils qui se remplissent les joues pour l’automne, des escargots qui traînent leur maison de peine et de misère! Les ours noirs se préparent à faire une « cocotte » qui va durer quelques mois! Les feuilles commencent à tomber de fatigue. C’est comme si lesol était rempli de Smarties! Ce n’est plus un temps parfait pour étendre à ce temps-ci de l’année!

Puis un jour le bois à McKenzie a trouvé son sens, sa raison d’être ou de ne pas être! Il faisait un temps shakespearien. Les corbeaux sur place avaient annoncé l’arrivée d’un p’tit garçon avec une brouette rouillée, un marteau, de vieux clous et des planches!

Le p’tit garçon arrivait décidé du haut de ses 5 ans à peine. Nous étions quelque part en 1980. C’était l’époque qu’il faisait du bécycle sans casque, sans coude surtout sans peur ni reproche. Il était un mousquetaire sans le savoir! Il avait à l’époque la couenne dure. C’est comme s’il avait de la peau de cochon. Il était selon sa mère têtu comme un âne. Souvent les adultes le traitaient de p’tit singe à batterie. Le bois à McKenzie et lui allait être en symbiose! Un mouvement naturel dans la maison de Dame nature. Parfois même il avait des airs de raton laveur, c’était peut-être un camouflage, une forme de protection en forêt.

Il venait dans le bois à McKenzie pour oublier sa vie l’autre bord de la rivière du nord de son enfance sur la rue Filion. Il venait dans le bois pour construire une cabane dans les arbres. Et qui l’eût cru, il croyait dur comme fer qu’il était un pirate! Il était et sera toujours un pirate sans bateau qui construit des cabanes dans le bois à McKenzie! Il venait ici pour trouver le silence même à 5 ans. Personne ne criait après lui dans le bois. Il pouvait même pleurer s’il en avait envie. C’est vous dire la force mythique de la forêt. C’est ici même dans ce lieu obscur pour les uns et lumineux pour les autres que Éric m’a avoué à 5 ans qu’il voulait se suicider! Il était tanné, fatigué, épuisé de se faire battre comme un bon steak par les chums de sa mère.

Les jours dans le bois à McKenzie sont toujours pareils et c’est tant mieux quand vous avez besoin de certitudes. Dame Nature est une mère intransigeante, mais juste.

Déclouer des clous rouillés de vieilles planches sans se faire mal c’était le début d’une idée de cabane. Trouver assez de planches pour faire un plancher digne de ce nom. Un plancher qui craque comme dans ces chalets de riches. Le plus compliqué, trouver un arbre parfait, pas trop haut, pas trop bas avec de grosses branches solides. Il pouvait passer des semaines à chercher l’arbre parfait et traîner son stock à sa suite. Le coeur de la forêt battait au rythme de celui d’Éric le Rouge. Les érables donnaient de l’oxygène sans le savoir. Certains oiseaux venaient regarder l’enfant battu faire son nid! Lui qui était admiré de tous les oiseaux de la forêt, car il devait apprendre à voler de ses propres ailes, seul, sans personne. Même que les écureuils partageaient leurs noix avec lui!

Et une fois le soleil presque tombé dans la rivière du Nord, Éric repart chaque soir vers son calvaire, le 463 rue Filion! Depuis que je me souviens, Éric habite dans le bloc rouge du coin de la rue. Il faut savoir que chaque soir Éric traversait la rivière du Nord en arrière de chez lui en canoë de fortune, pas de ceinture de sécurité et une rame fatiguée! C’était l’époque. En 1979 nous les p’tits culs du p’tit Canada étions fait sur le rough comme on dit! Si seulement ça avait été possible, je crois qu’il aurait été habité avec la forêt! Suivre le soleil, aller dormir en même temps que lui, se réveiller avec lui aux aurores. Ne plus jamais avoir de l’air d’un raton laveur parce que le nouveau chum de votre mère vous a crissé une claque dans face! Vivre libre. Vivre sa vie d’enfant et se faire des tas de feuilles à l’automne pis jouer à se jeter dedans juste pour le plaisir.

Des fois je me demande même si le bois à McKenzie existe vraiment… c’était peut-être juste l’ami imaginaire d’un enfant battu.

*Sur  la balance de la mondialisation, une tête d’enfant du tiers-monde pèse moins lourd qu’un hamburger.  Fatou Diome


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