Les maasaïs, guerriers devenus vendeurs de pacotille sur les plages de Zanzibar
Zanzibar… Y-a-t-il des noms plus évocateurs ? Je m’attendais presque à trouver des marchands arabes en djellaba échangeant avec leurs homologues indiens autour d’un thé. Véritable carrefour culturel et commercial depuis le début de notre ère, Zanzibar accueillit les Portugais (1503-1698), puis le Sultanat d’Oman (1698-1890) et enfin les Britanniques (1890-1963). Mais à défaut de croiser des vendeurs d’ivoire, d’épices ou d’esclaves, je rencontrai surtout des maasaïs qui avaient délaissé leurs vaches et leur savane pour vendre des bijoux sur les plages, les perles en os des bracelets désormais remplacées par des boules en plastique en provenance de Chine et surtout d’Inde – tout comme les motos, les rickshaws, le coton, le riz. Malgré tout, la capitale, Stone Town, est une ville vibrante, éclectique, qui vaut certainement le temps d’y flâner plus que je ne l’ai fait.
Zanzibar m’évoquait aussi des plages de sable blanc et des dégradés de bleu dans la mer transparente. Et je ne fus pas déçue ! Jambiani, la plage qui nous hébergeait, nous proposait tout ça à elle toute seule. Les autres activités font rêver sur le papier : nager avec les dauphins à Kizimkazi, voir les singes Rouge Colobus dans leur seul habitat naturel au monde (la forêt de Joziani), nager avec les poissons (et les humains palmés) autour de l’île de Mnemba, voir les tortues géantes (importées des Seychelles à la fin du 19ème siècle) sur Prison Island (un ancien marché aux esclaves clandestin). Mais tout ceci peut heurter certaines valeurs, notamment chez ceux pour qui le respect de la faune prime sur le selfie. De fait, les dauphins plongent dès que les conducteurs de bateaux font sauter leurs passagers à la mer ; les singes, eux, sont plus nonchalants, laissant les touristes s’approcher de trop près, sous les encouragements des guides ; et les tortues aussi – même si elles voulaient, elles auraient de toute façon du mal à se débarrasser des importuns qui leur grimpent sur la carapace sans façons.
Les routes sont généralement défoncées, les policiers arrêtent les touristes trois fois par jour pour leur soutirer des sous, il faut tout négocier et c’est souvent très cher pour ce que c’est. La nourriture n’est pas transcendante – pour les gourmets – mais plaira à ceux qui, comme moi, aiment la nourriture indienne mais détestent s’arracher la bouche : samosa, curry, chapati, les menus ont clairement été influencés*, le chili en moins ! Malgré tout, l’île est splendide, et une petite virée en dhow – le bateau de pêche traditionnel – est particulièrement reposante.
* Si la présence indienne en Afrique de l’Est (Kenya, Tanzanie et Ouganda) ne date pas d’hier, pour des raisons commerciales, l’immigration massive des Indiens en Afrique de l’Est remonte à l’arrivée des Britanniques (Mangat, 1969). Cependant, les communautés originaires de l’Inde et du Pakistan ont vécu avec difficulté les premières années de l’indépendance des nouveaux Etats, lesquels ont adopté des politiques discriminatoires à leur encontre – c’est ainsi que la famille de Freddy Mercury fuit Zanzibar lors de la révolution de 1964. En Tanzanie, on a ainsi estimé à 20 000 personnes le nombre d’Indiens ayant quitté le pays à la suite des nationalisations entreprises par le gouvernement socialiste (Prunier, 1990 : 239). En 2006, les services diplomatiques de l’ambassade de l’Inde à Nairobi ont évalué à environ 45 000 personnes le nombre de personnes d’origine indienne vivant sur le sol tanzanien, soit environ la moitié du chiffre enregistré en 1967. La grande majorité d’entre elles (40 000) possèderait la nationalité tanzanienne (Nowik). Aujourd’hui, la communauté indo-pakistanaise de Tanzanie exercerait un monopole sur la vie économique du pays.
Jambiani
Les fermes d'algues à marée basse à Jambiani