Marilyne Bertoncini & Ghislaine Lejard
À fleur de bitume / Itinéraires urbains
(Préface de Jacques Robinet, collection Duo, Les Lieux-Dits )
Lecture de Michel Ménassé
Dessin Ghislaine Lejard - Texte Marilyne Bertoncini
D’images en train de se défaire ou de se métamorphoser sur les murailles fissurées et dans les fractures du macadam, jaillissent des poèmes d’aspiration et d’éveil à la beauté et à l’étrangeté captées ou révélées par deux poétesses réunies dans un recueil au titre sensible et rugueux : À fleur de bitume… Le préfacier, Jacques Robinet en retient « la traversée éphémère » d’un « présent ébloui ». Et il tente le lecteur, l’invite au partage de l’enchantement immédiat : « Sous l’œil intrigué d’un oiseau qui se tait, deux voix errantes, à travers les rues d’une ville sans nom, accordent ici leur rêverie et leur chant. Deux voix de sœurs très proches, en quête de lumière. »
Marilyne Bertoncini découvre des paysages insolites « sous sa semelle », « entre les pavés jointoyés par l’herbe qui s’agrippe / sous le crépi qui se craquèle en surface des murs abandonnés. » L’œil aux ailleurs plutôt qu’aux aguets, elle transfigure la réalité présente : « Là ce n’est pas une fissure mais une île qui se creuse / dans les vagues d‘asphalte d’une mer morte. » Rimbaud n’est jamais loin quand les sens se dérèglent, quand « le réel s’écartèle ». Hommage à tous les grands voyants poètes : « Il pleut sur le trottoir des larmes de mémoire / Il pleut sur la mémoire des souvenirs sans fin. » Une archéologie intime s’ouvre dans les brèches et les lézardes creusées par le temps…
Ghislaine Lejard scrute le ciel par-delà « le béton la pierre froide » ; elle s’éveille au vol de l’oiseau, aux mystères de l’esprit : « au loin un rayon de lumière irradie / le ciel appelle. » Tension vacillante entre le très proche et l’infini : « La pierre au bord du chemin / perçoit le moindre signe de vie / sait la tendresse de l’herbe / la fraîcheur de l’eau ». Elle aspire aussi à s’accorder à la perception immédiate, à resserrer l’espace au plus près de son être : « des nuages noirs pélerinent / processionnent au-dessus du chemin / pour un dépaysement à portée de main. » Songeant à Henri Michaux, l’autrice qui est aussi artiste pense autant à peindre et écrire, qu’à « se parcourir », « à perdre son chemin / pour se retrouver ».
Les images et photographies en quadrichromie apportent au plaisir du texte celui de l’œil. Art et poésie, à livre ouvert : « dans la simplicité /accueillir chaque instant / et le ré-enchanter.»
Michel Ménassé