Oui, le cortège des scrutins et résultats électoraux a entamé sa procession, ténébreuse à certains égards, et l'abîme est grandiose.
A Taïwan, le choix a donc été fait de ne pas sombrer dans la compromission et de conserver la ligne d'une indépendance qui fait rager le géant rouge de la côte d'en face. Le hic, c'est que le nouveau Président ne dispose plus de majorité, ce qui l'expose à devoir prêter le flanc. Cela aurait pu être pire bien sûr mais ce n'est pas franchement rassurant.
A Des Moines, les résultats de la primaire républicaine sonnent le glas des espoirs d'un effondrement relatif de Trump. Plus de la moitié des votants ont reporté leur choix sur le candidat revanchard au teint orange malgré l'absence totale de probité dont il transpire. Les autres ne valaient pas mieux sur le papier et dans les idées, mais au moins, ils semblaient moins cinglés. La chouchoute des sondeurs s'est vautrée et c'est désormais inéluctable, nonobstant les décisions de justice, Trump sera candidat et nous allons assister à une campagne répugnante.
Dire le 16 janvier 2024 que l'on sera bien contents d'en finir de l'année 2024 est finalement assez glaçant. Avec deux conflits qui menacent de dériver régionalement, un jeu des alliances mortifère qui rappelle beaucoup de choses et une fatigue évidente des démocraties qui peinent à trouver la parade autrement qu'en endossant les apparats d'un nationalisme faussement digeste, le tableau n'est pas franchement réjouissant et ne dire que cela serait oublier les brèches béantes qui lézardent les ciments sociaux un peu partout. On regarde monter les intolérances, on forge des antagonismes réputés insurpassables pour vendre des écrans publicitaires, on simplifie à outrance sans prendre la mesure du poison des raccourcis ainsi opérés, ... et l'on demande aux électeurs d'aller se défouler dans le secret de l'isoloir pour ceux qui auront encore l'amabilité de faire le déplacement. Forcément, il n'en ressort que du mauvais.
Ce n'est pas "mauvais" parce que cela ne correspond pas à mes idées, c'est mauvais parce qu'à l'évidence, il n'en ressortira rien de bon. Chaque scrutin confirme que son résultat complique encore davantage l'équation. Que ferons-nous quand Trump sera revenu au pouvoir et qu'il tombera dans les bras du maître chanteur du Kremlin pour sonner le glas d'une Ukraine épuisée ? Comment pourra-t-on expliquer le résultat des élections européennes de juin prochain dont il sortira une présence sinon renforcée mais peut-être majoritaire des droites extrêmes et nationalistes [y compris dans des pays qui n'ont pas encore eu le temps d'oublier les dernières périodes dictatoriales subies directement] ? Quels mots abracadabrantesques réussira-t-on à trouver pour expliquer les ravages de la résurgence du conflit séculaire au proche-orient ? Quel avenir se profilera alors que la crevasse se creuse chaque jour davantage, gage d'un futur crépusculaire qui semble être souhaité par des enfants inconséquents trop gâtés par la permissivité de démocraties complaisantes ?
Pour autant, le monde irait-t-il mieux sans Trump, Poutine et l'hégémonie chinoise ? Ce n'est même pas certain, il y a fort à redouter que tout soit prétexte à s'affranchir des bases civilisationnelles par réflexe de défouloir, comme pour conjurer une frustration qui ne repose sur pas grand chose. Alors oui, le sur-individualisme fait grimper les mécanismes de frustration mais quand même, on met en exergue l'individu à tous bouts de champ jusqu'à la responsabilité où là, d'un coup, c'est la faute de l'autre, de la société, de la mondialisation ou que sais-je encore. Tout est bon pour faire n'importe quoi ... c'est d'autant plus certain quand on envisage que Trump passe à plus de 50% dans l'Iowa, que Poutine dort sur ses deux oreilles alors que le sang de ses compatriotes s'en échappe, et que Marine Le Pen a réussi à faire passer l'idée qu'elle pourrait être une solution plutôt qu'un problème de plus. La tectonique des plaques est funèbre ... ce n'est pas comme si on n'avait pas prévenu.
Tto, qui se désole