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1958 - Pierre Pflimlin – 2

Publié le 04 mars 2024 par Perceval

1958 Pierre PflimlinRaymond Aron

Lancelot s'interroge sur la possibilité d'un retour du Général. Malgré son âge, peut-il apparaître, à nouveau, le recours qu'attend la France ? Lui-même semble en douter, quand il exprime fermement sa répugnance à se présenter comme un chef de parti. S'il a rendu leur liberté, à ceux qui le soutenaient au sein du RPF ; et admit l'échec du Rassemblement, quelle stratégie reste t-il à cette forte personnalité pour arriver au pouvoir ? Entrevoit-il un changement de régime ? La République, et même la démocratie ne seraient-elles pas en danger ?

Raymond Aron, exprime qu'il ne croit plus à l'efficacité du mythe gaulliste. A l'opposé '' les barons '' du gaullisme, Malraux, Debré, Soustelle, Pompidou, Fouchet, Guichard... entretiennent l'idée du Général, que " plus cela irait mal, plus son heure approcherait. "

En ce début d'année 1958, la " traversée du désert " du Général apparaissait, subitement, à beaucoup, sur la fin.

De Gaulle l'exprime à divers interlocuteurs : " je suis prêt " ! De pus, il invite les journalistes à une conférence de presse le lundi 19 mai, dans un salon de l'Hôtel d'Orsay, la télévision est là ; mais la majorité des auditeurs, d'Alger à Paris, l'écoutent sur leur poste de radio.

Le Général évoque la "crise nationale extrêmement grave" que traverse le pays depuis six jours comme le début possible "d'une sorte de résurrection".

1958 Pierre Pflimlin
Le général de Gaulle - Palais d'Orsay, 19 mai 1958

Duverger pose la question que l'on attendait : " Est-ce que vous garantiriez les libertés publiques fondamentales ? "

" - Est-ce que j'ai jamais attenté aux libertés publiques fondamentales ? Je les ai rétablies. - Y ai-je une seconde attenté jamais ? Comment voulez-vous qu'à 67 ans, je commence une carrière de dictateur ?! " - La presse semble conquise.

Pierre Pflimlin confie à Lancelot, les pressions de Guy Mollet ( SFIO) pour qu'il se rapproche du Général.

Pierre Mendès France à l'opposé, déplore qu'aucune condamnation ne soit portée contre la sédition algéroise.

Lancelot rapporte qu'une opération dite ''Résurrection'' est en cours pour une prise du pouvoir par les gaullistes ( Debré, Chaban, Soustelle...).

La rumeur se concrétise le 24 mai, la réplique d'Alger s'effectue en Corse, à Ajaccio, avec un appel à constituer des comités de salut public. Des ''paras'' appuient le mouvement.

Le ministre de l'Intérieur, Jules Moch ( SFIO) envoie un télégramme aux préfets. " Une poignée de factieux vient d'annuler en Corse un siècle d'effort démocratique ".

1958 Pierre Pflimlin
Alger

Lancelot est témoin dans l'entourage ministériel, que chacun se rend compte qu'un ''coup d'état militaire'' est en œuvre, et que la presse et l'opinion s'en désintéressent ( ou l'espèrent ?). Pflimin fait une allocution radiodiffusée, et dit notamment : " il ne serait pas admissible qu'une fraction de la nation tente d'imposer sa volonté au pays tout entier. "

Nous sommes le 26 mai, un lundi de Pentecôte, férié. Sauf peut-être , ces jours derniers, des queues devant les magasins d'alimentation afin d'accumuler des denrées en prévision d'une crise ; les français profitent de leur grand week-end. Les stations balnéaires connaissent une affluence exceptionnelle.

1958 Pierre Pflimlin

De Gaulle répète qu'il ne serait " chef du gouvernement que dans la légalité ". Informé qu'une opération de type corse, serait projetée pour Paris ; il propose le soir même, un entretien avec Pflimlin, lui signalant que s'il refuse, il le ferait savoir publiquement !

A l'issue de cette rencontre, aucun accord ne peut être trouvé ; cependant, le lendemain, de Gaulle, comme si la chose était acquise, publie un communiqué : " J'ai entamé hier le processus régulier nécessaire à l'établissement d'un gouvernement républicain capable d'assurer l'unité et l'indépendance du pays. "

Mardi 27 mai, Pflimin, tendu, espère trouver une majorité à l'autorisation d'une révision constitutionnelle de grande ampleur, sans les voix du parti communiste, précise t-il.

Pendant ce temps, ordres et contrordres, désespèrent les militaires... De Gaulle, dans son communiqué à l'AFP, met fin au suspens : " toute action, de quelque côté qu'elle vienne, qui met en péril l'ordre public, risque d'avoir de graves conséquences. Tout en faisant la part des circonstances, je ne saurais l'approuver. "

Le message du Général, signifie qu'il gouverne, dans les faits.

Dans Le Monde du 28 mai, Duverger écrit, et se résigne : " Cette République agonise.... Qu'on appelle de Gaulle avant que la nation soit tout à fait déchirée, avant que lui-même soit devenu tout à fait l'otage d'un clan. "

Le 28 mai à 3 heures du matin, Pierre Pflimlin démissionne. De Gaulle reçoit à Colombey un émissaire de Salan, le général Dulac. L'opération ''Résurrection '' est close.

Une manifestation de la gauche se lance sur le pavé parisien. Entre cent mille ou deux cent mille personnes, et en tête, Daladier, Mitterrand, Mendès-France. Mais, dans le fond, les gens sont soulagés.

1958 Pierre Pflimlin

Le président Coty a la main et le 29 mai, à 15 heures, il annonce : " J'ai décidé de faire appel au plus illustre des Français". Il ajoute en présentant le général de Gaulle comme chef du gouvernement, que si l'Assemblée le repousse, il se retirera aussitôt de l'Elysée.

De Gaulle, estimant que ses conditions sont reçues : - pleins pouvoirs, - congé donné au Parlement, - constitution nouvelle à préparer par son gouvernement et à soumettre au référendum ; se présentera devant l'Assemblée le 1er Juin.

Le 1er Juin, l'Assemblée donne sa confiance à de Gaulle et mandat au gouvernement d'élaborer, puis de proposer au pays une réforme constitutionnelle qui respectera trois principes : - le suffrage universel source de tout pouvoir - la séparation des pouvoirs exécutif et législatif - un gouvernement responsable devant les Chambres.

Ces engagements vont satisfaire les "démocrates" ; puisque 77 députés S.F.I.O. voteront l'investiture et 74 contre. Les communistes rejette la confiance.

Au total, l'Assemblée Nationale accorde son investiture par 329 voix contre 224.

Au soir du 3 juin, la loi constitutionnelle donne à M. Charles de Gaulle, nommé président du Conseil, le pouvoir de rédiger une nouvelle Constitution ; la IVe République continue. M. René Coty demeure président de la République au palais de l'Élysée.

L'ambiguïté c'est que le Général est attendu, avant tout, pour régler l'affaire algérienne.


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