S'il y a bien quelque chose qu'il ne faut pas confier aux journalistes et aux incultes ["pléonasme" me diront quelques esprits chagrins], ce sont bien des responsabilités. Pire, la semaine dernière, des journalistes [ou ce qui en tient lieu, puisqu'auto proclamés comme tels] se sont inventés juristes aux fins de pourfendre un arrêt du Conseil d'Etat.
Déjà oui, on ne parle pas d'un jugement du Conseil d'Etat mais bien d'un arrêt ... c'est la base. Un peu comme si on confondait C-News avec une chaîne d'information continue, alors que cela n'a rien à voir.
Or donc, les pleureuses de C-News, de l'empire Bolloré au rang desquels on a vu se succéder Cyril Hanouna [le caporal zêlé des intérêts du parain breton] mais aussi divers réactionnaires écervelés comme Franz-Olivier Giesbert ont vomi sur les plateaux compatissants une logorhée inepte mélangeant tout et faisant mine de lire dans la décision incriminée ce qu'elle ne contient pas.
Ce billet va donc tenter de remettre dans l'ordre tout ce que tu as pu entendre au sujet d'une décision qui n'appelle qu'à une chose, le respect de la loi et que cessent les détournements de celle-ci. La loi ? C'est celle du 30 septembre 1986 aux termes de laquelle les services de radiodiffusion et de télédiffusion sont autorisés sous réserve qu'ils respectent des conditions justifiant de concession de service public, étant donc précisé que C-News, Europe 1 ou je ne sais quelle autre officine réactionnaire n'est jamais propriétaire de sa fréquence. Il s'agit d'une concession de domaine public, rendue possible par la signature synallagmatique d'une convention d'exploitation des fréquences permettant la diffusion des émissions. Et qu'y a-t-il dans cette convention ? Un ensemble de droits et obligations dont l'une procède de la lecture de l'article 13 de la loi de 1986 portée par Philippe de Villiers, alors secrétaire d'état à la communication dans le gouvernement Chirac. Aussi, il est particulièrement amusant d'entendre vociférer le nobliau vendéen aussi cacochyme que stupide, débiter des inepties [alors qu'il ferait mieux de protéger l'un de ses fils victime de viol commis sur lui par l'un de ses frères ... chacun ses priorités] au sujet d'un texte dont il est censé avoir porté l'adoption devant la représentation nationale. Mais bon ...
"L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique assure le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d'information politique et générale." Diantre ... l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion. Et c'est donc cela qui met le feu à C-News, Europe 1, le JDD, bientôt Paris-Match et toute la galaxie Canal+ ? Un principe aussi simple que celui-ci est donc de nature à incendier des rédactions prétendument si sereines ? Il faut croire ...
Cette disposition légale à laquelle les conventions de concession de fréquences doivent satisfaire n'est pas arrivée par hasard et elle sanctionne l'impossibilité en France de proposer une radio ou une télévision dite d'opinion, c'est à dire un organe de presse radio ou télé qui ne se ferait l'écho que d'un seul courant de pensée. Là où cela est permis pour la presse écrite [et que Pascal Praud se rassure, il pourra toujours continuer à aligner les âneries dans le JDD avant de se recycler bientôt dans Causeur ou Minute], le législateur a souhaité que cela ne soit pas le cas pour la télé et la radio. De fait, chaque chaîne est astreinte à proposer une diversité d'invités politiques ou permettre le relai de leur parole, a fortiori en période de campagne électorale où cette obligation est renforcée par une logique d'équité dans un premier temps puis d'égalité lors que la campagne officielle est lancée avant le scrutin.
Où est donc le problème puisque jusqu'ici, personne ne semblait vouloir remettre en cause le principe de la loi de 1986 ? Tout vient d'une action portée devant le Conseil d'Etat par Reporters Sans Frontières qui s'est demandé si la chaîne C-News ne détournait pas la loi en confiant à divers personnalités politiques estampillées "chroniqueur", "animateur" ou autres pour échapper au décompte. Ce détournement de la loi méritait bien une décision, certes très ciblé sur C-News qui l'a néanmoins bien cherché. La réponse est assez claire : le Conseil d'État juge que, pour apprécier le respect par une chaîne de télévision, quelle qu'elle soit, du pluralisme de l'information, l'Arcom [l'autorité régulatrice] doit prendre en compte la diversité des courants de pensée et d'opinions représentés par l'ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, et pas uniquement le temps d'intervention des personnalités politiques. Le Conseil d'État juge également que l'Arcom [l'autorité régulatrice]doit s'assurer de l'indépendance de l'information au sein de la chaîne en tenant compte de l'ensemble de ses conditions de fonctionnement et des caractéristiques de sa programmation, et pas seulement à partir de la séquence d'un extrait d'un programme particulier. Faute d'avoir examiné tous ces aspects, l'Arcom [l'autorité régulatrice] devra réexaminer sous 6 mois la demande de mise en demeure à l'encontre de C-News, formulée par l'association, en tenant compte des précisions apportées par le Conseil d'État sur la portée des obligations prévues par la loi.
En d'autres termes, il n'y a là aucune censure sinon celle de rappeler au service de télévision précité qu'il est impératif de respecter les obligations auxquelles il est astreint. Et toute diversion consistant à chouiner pour invoquer que d'autres ne le font pas ne sert à rien, voire même devrait obliger C-News a saisir l'Arcom pour le non-respect qu'elle allègue. A longueur d'interventions, C-News ne cesse d'expliquer que France-Inter n'invite que des gens de gauche alors que les décomptes attestent que ce n'est pas le cas. Depuis la semaine dernière, on évoque le cas de "Quotidien" qui n'invite pas de représentants du Front National [ripoliné en Rassemblement National ... mais cela ne trompe personne], qu'attend donc C-News, Canal+, C8 ou Vivendi pour déposer une plainte auprès de l'Arcom ?
La seule censure consiste à rappeler aux factieux de C-News qu'ils n'ont pas le droit d'user de la fréquence concédée gratuitement avec irresponsabilité. Si c'est cela la censure, oui mais il va aussi falloir expliquer à Morandini et autres affaiblis du bulbe qu'ils seraient bien inspirés de relire la loi de 1881 sur le droit de la presse qui impose là aussi des obligations.
Une chose est néanmoins exacte : le Conseil d'Etat étend le champ de l'analyse du pluralisme désormais. "Avec cette interprétation renouvelée de la loi de 1986, le Conseil d'Etat renforce la capacité de contrôle par le régulateur des obligations de ces médias en matière d'honnêteté, de pluralisme et d'indépendance de l'information, dans le respect de leur liberté éditoriale. Désormais, outre le décompte des temps de parole des personnalités politiques, le régulateur pourra, pour apprécier le respect par un éditeur du pluralisme des courants de pensées et d'opinions, prendre en compte les interventions de l'ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités. De même, pour s'assurer de l'indépendance de l'information, l'Arcom pourra à présent, tenir compte de l'ensemble des conditions de fonctionnement et des caractéristiques de la programmation des chaînes." Forcément, tu comprends que ça flippe chez C-News ... rediffuser une émission avec deux socialistes à 4h30 du matin ne suffira plus maintenant ... et c'est précisément le détournement de la loi que la décision du Conseil d'Etat essaye d'éviter.
Donc non, il n'y a pas de censure, il n'y a pas non plus de volonté de museler C-News. Simplement, je me réjouis que l'on demande enfin à Bolloré de respecter l'état de droit qui lui permet de gagner beaucoup d'argent, a fortiori avec une chaîne toujours déficitaire qui véhicule des opinions nauséabondes au moyen d'une cour de laquais toujours prompts à accumuler les dérives. Au surplus, la collection de mises en demeure ne trompe pas ... mais c'est aussi une façon pour C-News de faire monter la pression sur le régulateur au moment où celui-ci va examiner l'éventuelle reconduction des autorisations de diffusion de 15 chaines dont C8, W9, TMC, BFMTV, LCI ou encore ... C-News. Va y avoir de l'ambiance d'autant que le président de l'Arcom a expliqué que tout était possible ! Sortez le popcorn, les pleureuses de C-News qui donnent des leçons à la planète entière vont sortir les gros moyens ... Et s'ils croient qu'ils résistent à une dictature, je suis prêt à lancer une cagnotte participative pour les envoyer en Corée du Nord avec leur ami Gérard Depardieu qui est si formidable, ils verront. En attendant, davantage de pluralisme ne fera pas de mal !
Tto, qui trouve ahurissant que des gens croient encore ce qui se dit sur C-News