<<Poésie d'un jour
" ... il aimait aussi la rivière..."
Ph;: G.AdC
Tu te souviens bien sûr
Quand tout le monde part
je reste seule avec les poèmes,
les miens,
ceux des autres.
Je préfère les poèmes écrits par d’autres.
Je reste en silence
et ma gorge se desserre.
Je reste.
Parfois je veux que tout le monde s’en aille.
Écrire des poèmes c’est peut-être une chose agréable.
Tu es aussi dans la pièce et les murs deviennent plus hauts.
Les couleurs deviennent plus violentes.
Un mouchoir bleu se transforme en puits profond.
Tu veux que tout le monde s’en aille.
Tu ne sais pas ce qui t’arrive.
Pense peut-être à autre chose,
et tout passera, tu seras clair et pur
après l’amour.
Narcisse était si amoureux de son image.
Idiot celui qui ne comprend pas qu’il aimait aussi la rivière.
Tu restes seul.
Ton cœur fait mal mais il ne se brisera pas.
Peu à peu s’estompent les figures,
les blessures s’effacent.
Un soleil coupe le milieu de la nuit.
Te rappelles-tu aussi les fleurs noires.
Tu voudrais être mort ou vivant, ou un autre.
N’existe-t-il pas un pays que tu aimes,
un seul mot ?
Tu t’en souviens bien sûr.
Seul un idiot imagine le soleil se coucher à l’envi.
Il se hâte toujours vers l’ouest au-dessus des îles.
Soleil et lune, été et hiver viendront vers toi.
Trésors infinis.
Dahlia Ravikovitch, « Dans le vent juste » in Même pour des milliers d’années, Traduit de l’hébreu par Michel Eckhard Elial, Postface de Sabine Huynh,
Éditions Bruno Doucey 2018,pp.40, 41.
DAHLIA RAVIKOVITCH
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