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Le témoignage de Simone Weil.

Publié le 08 mai 2024 par Perceval

témoignage Simone Weil.Lancelot

Lancelot prend sa retraite, et souhaite se replier à Fléchigné.

Geneviève a quitté le parti communiste en même temps que Dominique Desanti. C'est aussi avec elle, qu'elle a rencontré Simone de Beauvoir à l'époque du Congrès du Mouvement de la Paix, en 1955. Plusieurs fois, il lui arrivait de passer chez elle, rue Schoelcher, et d'aller manger dans un petit restaurant de la place Denferts-Rochereau. Dominique Desanti partait souvent à l'étranger, en particulier en Afrique.

Geneviève s'intéresse à l'action de l'inconscient, donc à la psychanalyse. Les relations entre Lancelot et elle s'apaisent ; sans-doute essaie t-elle de pratiquer son propre discours, à savoir qu'il est nécessaire dans le couple de préserver et reconnaître l'altérité de l'autre, et de ne pas limiter la liberté de l'autre en l'enfermant dans une seule histoire. Cela évoque le ''contrat sartrien'' du couple.

Geneviève se réfère souvent à l'ouvrage majeur de Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe.

témoignage Simone Weil.
Elaine de Sallembier

Geneviève occupera, avec sa fille, l'appartement boulevard Victor-Hugo ; Elaine fera très souvent le trajet entre Paris et Fléchigné.

Elaine poursuit ses études à la Sorbonne. Après avoir passé en 1962, le certificat d'études littéraires générales ( propédeutique), elle se décide pour des études d'Histoire.

Lancelot ressent le besoin de se consacrer à sa ''quête''. Même s'il eut la chance de l'avoir plus ou moins conduite tout au long des événements qui se sont présentées à lui au cours de sa vie, il regrette de n'avoir pas eu le temps d'approfondir certaines rencontres.

Comment ne pas contempler des existences comme celles de Simone Weil, de Camus qui ont été si brèves, inachevées sûrement.. ? Lancelot ressent le bonheur, mais aussi le malheur d'avoir raté l'occasion de donner du fruit à ces rencontres ; il reste leurs œuvres : cadeau inestimable. Lancelot invoque aussi Teilhard de Chardin, qui avec Simone Weil, nous offrent leurs réflexions à notre étude ( je parle de l'édition de leurs textes), alors qu'ils se sont retirés sans bruit...

Pour débuter cette nouvelle période de sa vie, Lancelot est décidé à passer quelques jours dans un monastère. Lequel ?

Alors qu'il recherchait des documents sur Simone Weil, à la Bibliothèque nationale de France, on lui indique une personne, conservatrice ici, qui a été l'une de ses amies d'études. Lancelot sollicite, ainsi un rendez-vous auprès de Melle Pètrement.

Simone Pètrement, agrégée de philosophie, connaît très bien le grec et on la dit spécialiste des origines chrétiennes du gnosticisme. Elle fut avec Simone Weil, étudiante au lycée Henri IV dans la khâgne d'Alain, et élève de l'École normale supérieure ( promotion 1927).

Après plusieurs échanges, Lancelot à la chance d'être invité dans son appartement, un dimanche soir, moment où Melle Pètrement reçoit des étudiants mineurs provinciaux d'Henri IV qui devaient avoir à Paris un correspondant, ce qui est le cas pour Pierre Magnard ( né en 1927).

témoignage Simone Weil.
Platon

Il profite ainsi de son témoignage quant au travail accompli par les deux Simone, sur leur lecture de Platon. Pour toutes les deux, le grand problème était celui du Mal. Que faisait Dieu ?

Alors que nous sortons à peine du ''désastre'', sans bien comprendre ce qui s'était passé... Simone Pètrement rappelle que cette question - qu'elles s'étaient toutes les deux posée - était d'où vient le Mal ? Comment le Mal est-il possible ? Que faisait Dieu ?

Et pour en revenir à la lecture de Platon ; '' il ne s'agit pas, comme beaucoup le font, en donner une lecture gnostique ou manichéenne, en donnant au mal une réalité. Ce travail, elles l'ont fait toutes les deux pour se convaincre que le Mal était irréel, que le Mal était un néant ; que le monde que les méchants croyaient bâtir était une nuée. Leur cité était bâtie d'illusions, elle n'existait pas. Il faut vous convaincre que le royaume du Mal est un royaume des ombres, et que ceux qui veulent s'en prévaloir se fondent sur le néant, et ne sont eux-mêmes que rien.'' ( propos recueillis par Pierre Magnard.)

Simone Pètrement raconte à Lancelot les circonstances du séjour de Simone Weil au monastère de Solesmes. Auparavant en juin 1937, elle racontait :" étant seule dans la petite chapelle romane du XIIe siècle de Santa Maria degli Angeli, incomparable merveille de pureté, où saint François a prié bien souvent, quelque chose de plus fort que moi m'a obligée, pour la première fois de ma vie, à me mettre à genoux. "

témoignage Simone Weil.

" En 1938 j'ai passé dix jours à Solesmes, du dimanche des Rameaux au mardi de Pâques, en suivant tous les offices. J'avais des maux de tête intenses ; chaque son me faisait mal comme un coup... "

Cependant, elle prend " une joie pure et parfaite dans la beauté inouïe du chant et des paroles ". L'expérience de sa propre souffrance physique, due a ses maux de tête violents, et la contemplation de la souffrance du Christ lui font découvrir la possibilité d'aimer l'amour divin a travers le malheur : " Il va de soi qu'au cours de ces offices la pensée de la Passion du Christ est entrée en moi une fois pour toutes ".

(...) " les histoires d'apparition me rebutaient plutôt qu'autre chose, comme les miracles dans l'Évangile. D'ailleurs dans cette soudaine emprise du Christ sur moi, ni les sens ni l'imagination n'ont eu aucune part ; j'ai seulement senti à travers la souffrance la présence d'un amour analogue à celui qu'on lit dans le sourire d'un visage aimé. "

Elle assiste à tous les offices et aux solennelles célébration de la Passion et de la Résurrection.

" Quand on écoute Bach ou une mélodie grégorienne, toutes les facultés de l'âme se tendent et se taisent, pour appréhender cette chose parfaitement belle, chacune à sa façon " (...) " Musique grégorienne. Quand on chante les mêmes choses des heures chaque jour et tous les jours, ce qui est même un peu au-dessous de la suprême excellence devient insupportable et s'élimine. "

Grâce à un retraitant anglais, qu'elle qualifie de messager, elle découvre les poètes métaphysiques anglais du XVIIe siècle, notamment George Herbert et son poème Love, qui va devenir très important, puisque dans les moments de crise de maux de tête, elle se réfugie dans la beauté de ses rimes, " Je me suis exercée à le réciter en y appliquant toute mon attention et en adhérant de toute mon âme à la tendresse qu'il enferme. "

" Je croyais le réciter seulement comme un beau poème, mais à mon insu cette récitation avait la vertu d'une prière. C'est au cours de ces récitations que, comme je vous l'ai écrit, le Christ lui-même est descendu et m'a prise. "

témoignage Simone Weil.
Julian of Norwich on Joy -Matthew Fox

Elle vit le détachement de son corps douloureux, et fait l'expérience de l'amour "transcendant".

Simone Weil raconte au père Perrin, sa grande surprise. Jamais, avoue-t-elle, elle n'avait prévu la possibilité d'un contact réel, " de personne à personne, ici-bas, entre un être humain et Dieu ". " J'avais vaguement entendu parler de choses de ce genre, mais je n'y avais jamais cru. "

- N'allez pas croire qu'elle se soit rendue aussitôt à cette révélation ! Son amour s'y rend, mais son intelligence s'y refuse. Elle décide alors de chercher ce que cette illumination peut receler de vérité, avec toute son attention. Elle ne craint pas de se lancer dans ce genre d'enquête ; puisque le Christ est vérité... C'est lui qu'elle trouvera en y accédant. C'est donc vers lui qu'elle reviendra, tout naturellement.

- Simone Weil, n'était pas " une âme faible ", elle n'aurait pas cherché consciemment une consolation dans une religion.

" (...) la certitude d'avoir touché quelque chose de réel au-delà de la subjectivité (...) quelque chose au-delà de soi- même; (...) au-delà, mais par l'intérieur. Interior intimo meo. (...) On a touché en soi-même quelque chose de plus grand et de plus ancien que soi."

Simone Pètrement ajoute, que c'est sa vie même - le fait qu'elle vit sa pensée avec une radicalité rare - qui nous indique la réalité et la véracité de son expérience spirituelle.


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