Abbaye de Solesmes

Publié le 13 mai 2024 par Perceval

Après avoir obtenu sa mise à la retraite ; Lancelot ressent le besoin impérieux de plus de solitude. Il s'agit de marquer la fin d'une période, et le début d'une autre dans le cours de cette Quête.

Il le fait aussitôt, sous le signe de Simone Weil ( et de ses ouvrages), et de Solesmes.

Dans une lettre à la mère de Simone Weil datée du 11 février 1951, Albert Camus écrit : " Simone Weil est le seul grand esprit de notre temps. "

De l'arrivée sur le pont sur la Sarthe, se déploie la silhouette massive, haute et majestueuse de l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes, haut-lieu du chant grégorien, fondé au début du XIe siècle. Impressionnant !

Lancelot est accueilli par le père hôtelier, avec qui il a correspondu. Il dépose sa valise dans sa chambre et suit le moine qui le conduit dans l'abbatiale, étonnamment étroite pour cet ensemble monastique : il est frappé par l'odeur de la pierre, sans-doute de l'humidité, et surtout de l'encens. La lumière traverse des vitraux, et se reflète sur les murs des chapelles, aux motifs géométriques des années 30. Le chœur des moines date de dom Guéranger en 1865. Dom Guéranger (1805-1875), à qui on doit la vitalité de Solesmes, et en particulier ses recherches sur les origines du chant liturgique, et la restauration du chant grégorien.

Le père hôtelier présente Lancelot au père abbé, avant le repas, qui lui verse de l'eau sur les mains avec une aiguière à ablutions au-dessus de son bassin.

Les hôtes mangent au centre de l'immense réfectoire, entourés de tous les moines, dans le silence et accompagnés par une lecture spirituelle.

Lancelot va suivre, seul, dans le silence, la journée au rythme des cloches, et des offices ; en commençant par les matines à 5h30 ( autrefois au cours de la nuit).

Dans l'abbatiale, les hôtes ( masculins, logés) ont le droit de passer la petite barrière métallique, et s'asseoir avant les stèles des moines. Dans le chœur, on remarque un imposant pupitre ( un griffon) qui sert aux chantres lors des fêtes.

Les rituels des offices, et le déplacement des moines, sont adaptés au chant grégorien.

Lancelot n'est pas ordinairement assidu à la messe dominicale, même s'il reconnaît dans le rituel eucharistique, la place du Graal et surtout du mystère de l'incarnation. Il a plaisir à suivre dans son missel, un livre à couverture de cuir et papier bible, la traduction et selon les fêtes divers compléments marqués par les images de communion des amis ou de la famille...

Ici particulièrement, Lancelot goûte la beauté du chant, du geste, du rituel où tout est allégorie.

Lors des office se rassemble toute l'énergie produite par ce lieu monastique hors du temps, des bâtiments au travail et à la prière des moines ; jusqu'à, et surtout, l'offre pour chacun des bienfaits de l'Esprit-Saint.

Quel miracle, en ce milieu du XXe siècle, de trouver encore cette tradition doublement millénaire ; sachant qu'elle n'est faite que de simplicité, d'humilité, de joie et d'hospitalité...

Lancelot tente de faire corps à la musique grégorienne, et il s'imagine Simone Weil, à Solesmes ici, écoutant ces mêmes chants, en souffrant des maux de tête, et arrivant a les maîtriser par la contemplation du beau...

Lancelot se fait témoin de Simone Weil. Avec sa douleur et devant les yeux, ce Christ en croix ; soudain dans une intuition fulgurante, elle " comprend la possibilité d'aimer l'amour divin à travers le malheur ". Pendant la durée de cet éclair, Simone Weil a échappé aux lois de ce monde. " Instant d'arrêt, de contemplation, d'intuition pure, de vide mental, d'acceptation du vide moral. C'est par un de ces instants que l'homme est capable de surnaturel. "

Au transept sud de l'église, une impressionnante scène sculptée par un artiste inconnu de la renaissance , la mise au tombeau du christ, grandeur réelle. Se détache, en avant Marie-Madeleine confiante et en contemplation : image du moine, et peut-être de Simone Weil ?

Deux ''notables'', un sur la droite, Jean d'Armagnac, Seigneur de Sablé soutient le drap mortuaire, maintenu à gauche par Joseph d'Arimathie enturbanné, à ses côtés Nicodème. Marie, mère de Jésus, vacille soutenu derrière elle par le jeune saint Jean ; puis deux pleureuses.

En face, dans le transept nord, la ''chapelle des merveilles'' à la gloire de Marie. Sur son linceul, la ''dormition'' de la Mère de Dieu, avec au centre Saint-Pierre, image de l'Eglise, qui prend le relais...