- Un verre d’eau au réveil, 15
minutes de gymnastique, puis une tasse de thé. Le soir, méditation et yoga
pendant 30 minutes avec tisane juste avant le coucher, je t’assure, c’est
l’élixir jeunesse qui me permettra de tenir le coup avec tout ce stress qui me
tombe sans cesse dessus !
- Ouais, et puis l’alcool et la
baise, tu mets ça où ?
- euh !
- Je vois, t’as une vie réglo
comme une horloge, tu te la joues zen le matin et le soir, par contre, t’es
complètement barjo le reste de la journée et tu aimerais que je devienne comme
toi mais ça me fait pas envie, ben ça non !
Brigitte regarde ses ongles bien
peints, bien carrés et parfaits, elle ne sait quoi répondre. Elle soupire et
dans un geste théâtral et bien étudié devant son miroir jusqu’à la perfection, passe
la main dans sa chevelure brune et soyeuse. Elle ne comprend pas son amie, mais
si elle creuse un peu, elle se demande pourquoi elle continue à la voir ?
Bon, elles sont amies d’enfance mais est-ce que le fait de se connaitre depuis
la maternelle implique qu’il faut qu’elles continuent à s’aimer et
s’apprécier ? Apprécier n’est pas le bon mot car enfin, il faut bien le
reconnaître, elles sont devenues trop différentes. Elle lisse sa jupe, enlève
une miette de pain qui n’avait rien à y faire, boit une gorgée d’eau et se
demande si c’est le bon moment pour rompre une relation de 20 ans…Lisbeth la
regarde par en dessous. Elle ne peut s’empêcher d’être vulgaire et provocante
avec Brigitte, pourquoi ? Jalousie ? Envie ? Incompatibilité ?
Ses ongles rongés, ses cheveux très courts lui donnent un air éternel de garçon
manqué et son habillement en jeans et t-shirt sans aucune recherche abonde dans
ce sens. Pourquoi sont-elles restées amies alors que tout les sépare ? Pourquoi
continuer cette stupide coutume qu’elles avaient mis en place alors qu’elles
étaient à la fac et qui les oblige à se voir tous les premiers lundis du mois à
midi.
- Et ton boulot, ça va ?
questionne Brigitte pour rompre le silence.
- Bof, si les clients étaient
plus agréables, je pense que mon travail le serait aussi.
- Je ne comprends pas pourquoi tu
persistes dans ce job, avec ton talent, tu pourrais viser plus haut, non ?
- Si viser plus haut c’est me
retrouver dans les emmerdes et à lécher les bottes de connards en cravates sans
compter que certaines fois, ils n’hésitent pas à te mettre la main aux fesses, je
préfère pas !
- Tu le fais exprès d’être de
plus en plus vulgaire ?
- Pourquoi ça te plait pas ?
- Non !
Elle l’a crié ce
« non », presque hurlé. Les clients aux autres tables se sont
retournés. Brigitte rougit.
Lisbeth ricane puis se calme. En
fait, elle sait pourquoi elle continue à la voir ; faire sortir sa copine
de sa réserve est le principal attrait de ces rencontres, une sorte de jeu
malsain quoi. Et Brigitte, pourquoi continue-t-elle à venir ? Parce qu’elle
est maso, qu’elle se plait à ce jeu ou simplement trop lâche pour interrompre
une amitié qui n’en est plus une ? "Hm ! faudra que je
creuse, pense Lisbeth…Bon c’est pas tout mais faut
que j’me sauve"
Elle se lève d’un bond, jette son
argent sur la table, fait une rapide bise à Brigitte qui n’a pas le temps de
réagir et disparait juste avant de lancer "rendez-vous comme d’hab le
mois prochain, salut ! "