<< Poésie d'un jour
Portrait d'Anne Barbusse / source
grange d’Adèle, maison de Catherine : recluses,
chevrière, homosexuelle, néorurales, dans
la nudité surplombant Vallon Pont d’Arc, le greffe touristique et
l’explosion surfaite des rochers, calcul irréel
de la pierre nue, ornières des charrettes que
les bœufs du Paulou montaient à la crête, avec
les vagues d’horizon ondulant entre les utopies
des femmes et le val d’enfer inconscient
du siècle parcheminé de la mondialisation du silence :
j’écoute les prénoms, femmes invisibles
tels les oiseaux de nos consciences,
perchées
parmi les chênes et les rapaces, totalement préoccupées
des lauzes, du four à pain et de la maison du bouc,
auréolées des murets quadrillant
l’espace imparti à l’existence (herbes, pierres sèches
tombant parfois par bruit sec et bref), solitude
choisie dans la peur, cerclée
d’hommes semi-apprivoisés, montant la côte dans
le désir et l’instabilité
–les chênes acquiescent,
le vent pardonne,
avec batteries solaires/ éolienne
on recharge des téléphones portables (lien indubitable avec
ce qui reste d’hommes),
vent et soleil sont
les alliés calculés du désir, et la pluie remplit
les citernes pures, le monde est avec nous,
la société s’achève au creux des vallées et n’en demeure
que le goût étranglé du désir intermittent, la possibilité
inquiète de l’amant, marcheur illusionné, dont
les paroles accueillent arbres et corps, comme
pierres saluées par notre exigence, vivantes et mutilées
on a laissé en bas le poids du temps…
Anne Barbusse, Recluse, Photo de couverture Hubert Dupommereulle, Pourquoi viens-tu si tard ? 2023, pp.45, 46, 47.