<< Poésie d'un jour
. Le carnet.
1. Train de nuit. patience des paysages.
L’île des morts. o mia cara… sévère,
La main dans le carnet à serrure. L’eau
Affleure les tombes. la mémoire est la faute.
2. Mara-des-siècles. ruines au sang de bœuf.
Déchiffrant les dalles, les marbres brisés.
Déesse mutilée sous les lauriers vernis.
Vingt siècles de terres rouges. le même éclat.
3. Des villes justes. des collines parfaites.
Ciel du nord qui engloutit les vœux. longtemps
La griserie des langues. son chant en fausset.
Tout bonheur est miracle. tout bonheur indigent.
4. L’étoile rouge dans les ronces. les châlits.
Vieille Europe des manuels. si vite on incline
Á l’oubli. Mara-des-cendres. sur la carte un grand
Huit. le carnet refermé, qu’en reste-t-il ?
.IV.
L’île morte société d’égaux retranchés
dans leurs vieilles frontières grecs romains
évangélistes inapaisés en compagnie
des oiseaux un geai à grands cris poèmes
de Zanzotto mais m’obsède Far
senza… un autre chant plainte amoureuse
qui de la cave humide au canot funèbre
accompagnait l’absente O*** mia
cara… assez mon cher Hahn assez
les allées se perdent qui menaient à elle
et vont au diable cyprès buis lauriers
et de beaux bâtiments d’éternelle structure
rien pour me guider l’alphabet qui tout règle
jeté en désordre ADON BELM FQ
arpentant les divisions près d’une jeune fille
à tête de sphinx et tout à coup c’est là
pierre grise un nom l’état civil et quatre
vers sous le lichen inspirés des Anciens
une barque légère et des asphodèles
qu’on peine à déchiffrer les yeux
brouillés
V.
Mara-des-sommeils les cahots roulent
sa tête lourde d’hypothèses aux genoux
un livre abandonné non l’énigme aujourd’hui
des passions mais une étroite nécessité
une équation autant possède le monde
qu’une élégie ax3+bx+ c
la joue sur mon épaule tandis que le ciel
glisse sur son axe emportant songe et nombres
loin des îles maternelles mais là-bas
là-bas je suis resté avec l’étrangère
front fermé sous les lèvres laiteuses
geignant en sommeil fa’presto… ce n’est
que Mara le temps qui courait à l’envers
me ramène à elle qui recrée le monde
à partir de rien une flûte en fa
un carnet et la sagesse des nombres
Gérard Cartier, « I, Les enfances de Mara » in Le Roman de Mara, Tarabuste éditeur, 2024,pp.49, 54, 55.
GÉRARD CARTIER
Image, G.AdC
■ Gérard Cartier
sur Terres de femmes ▼
→ Le voyage intérieur (lecture d'Angèle Paoli)
→ La duplicité. (poème extrait des Métamorphoses)
→ Les Métamorphoses (lecture de Maëlle Levacher)
→ Tristran (lecture de Nathalie Riera)
→ Le philtre (extrait de Tristran)
→ Le Voyage de Bougainville (lecture de Marie-Claire Bancquart)
→ Le Voyage de Bougainville (lecture d’AP)
→EX MACHINA, Journal de L’OIE, La Thébaïde, Collection Roman, 2022.
→Gérard Cartier / Le Voyage intérieur
■ Voir aussi ▼
→ (sur le site des éditions Flammarion) d’autres extraits de L’Ultime Thulé [PDF]
→ (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature) une fiche bio-bibliographique sur Gérard Cartier