Ce nouveau mandat sera-t-il l’occasion de faire sortir de l’Assemblée les fauteurs de « bordélisation », selon le mot de Gérald Darmanin ? L’hypothèse est alléchante. Et très angoissante, pour les intéressés qui se mettent déjà en ordre de bataille pour la conjurer, appelant sur tous les tons à la reconstitution de la ligue dissoute (pour les européennes) qui avait fait leur fortune aux dernières législatives : la NUPES.
« Je lance un appel à mes amis de gauche et aux forces politiques de la NUPES : nous devons rester unis, suppliait Manuel Bompard, dès dimanche soir, sur BFM TV. Le seul chemin vers la victoire est le rassemblement de la gauche ! »Adrien Quatennens renchérit, ce lundi : « Le total des composantes de la NUPES, hier, est au même niveau que le RN. Il n’y avait aucune raison de la casser. » Du côté d’EELV, mêmes sommations larmoyantes d’union. Sandrine Rousseau appelle « toutes les personnes de gauche et écologistes à se lever » et à « faire campagne ensemble » afin de « ne pas reproduire l’erreur faite pour les européennes ».
La NUPES devient Front populaire
C’est que l’extrême gauche, arrivée dispersée façon puzzle aux européennes, n’a pas brillé : douche froide pour EELV, qui s’effondre, tout en sauvant malgré tout quelques sièges. Quant à La France insoumise, même si ses 9,9 % sont déjà inquiétants, au vu de la folle campagne qui a été menée, elle ne peut espérer des députés à l’Assemblée nationale (sauf, peut-être, en quelques enclaves comme la Seine-Saint-Denis) sans cette auberge espagnole accueillant la carpe, le lapin, la chèvre et le chou que fut la NUPES.
Ce lundi 10 juin, Le Monde publie un « appel à l’Union des gauches signé par 350 personnalités du monde politique, intellectuel, militant et artistique ». François Ruffin – réputé plus policé, mais que la fébrilité rend grossier – traite le président de la République de « taré » (sic) et propose de ripoliner la NUPES en la rebaptisant Front populaire : un côté avant-guerre, juste avant la bascule dans la Deuxième Guerre mondiale, qui sied à la panoplie low cost de Jean Moulin que la gauche adore – c’est tellement original – endosser.
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auf qu’on ne voit pas pourquoi ce cordon sanitaire, ce front républicain imposé jadis à la droite comme une paroi étanche entre elle et le Front national, pour cause d’antisémitisme, ne serait pas, aujourd’hui, exigé de la gauche ? A-t-on oublié que Rima Hassan a qualifié Israël de « monstruosité sans nom », usant de la formule sans équivoque « from the river to the see » ? Que lors d’une intervention en Tunisie, David Guiraud a déclaré : « Le bébé dans le four, ça a été fait par Israël, la maman éventrée, ça a été fait par Israël ! », ce qui lui a valu une plainte de l’Observatoire juif de France pour « apologie du terrorisme et provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence » ? Que Sébastien Delogu, non content d’avoir brandi le drapeau palestinien dans l’Hémicycle, est allé s’en vanter sur la douteuse chaîne Al Jazeera pour en récolter les lauriers ? Carole Delga devrait donc faire semblant d’oublier que Rima Hassan l’a accusée d’appartenir à la « gauche coloniale » ? Glucksmann qu’une manifestation de Jeunes Insoumis, ce dimanche soir, l’a traité de complice d’assassinat ?
L’antisémitisme ne pèse pas lourd
C’est bien ce que demande le Premier secrétaire du PS et député de Seine-et-Marne Olivier Faure, qui a appelé à une « coalition de la gauche » sur TF1, dès les résultats connus, piétinant aussitôt les votes de ceux, à gauche, qui avaient fait le choix du PS jugé plus « raisonnable » que LFI. Olivier Faure a participé, ce lundi, à une réunion avec Manuel Bompard, Fabien Roussel et Marine Tondelier au siège d’EELV.
Législatives: réunion entre les chefs des partis de gauche pour "poser les bases d'un nouveau front populaire"https://t.co/14TH52sLVL pic.twitter.com/kHOx7A1oak
— BFMTV (@BFMTV) June 10, 2024
Seule l’UEJF, Union des étudiants juifs de France, a tenté d’exprimer un désaccord, arborant une pancarte « On ne sauve pas la République avec des antisémites » devant le lieu de réunion. Gageons que leur happening ne servira absolument à rien. Embrassons-nous, Folleville, tout est oublié. Que vaut le combat contre l’antisémitisme à côté de la perspective de perdre un siège à l’Assemblée auquel on est accroché comme la bernique à son rocher ? Déjà, les projections de sièges, dans tous les médias, reconstituent la NUPES.
Ne manquerait plus que la droite continue de se laisser imposer ce barrage moral que la gauche ne s’applique surtout pas à elle-même. Mais avec la droite la plus bête du monde, tout est possible : déjà, Florence Portelli, vice-présidente des Républicains et maire de Taverny, affirme vigoureusement qu’elle ne s’alliera jamais avec le RN. On ne change pas une équipe qui perd.
[Mise à jour du 11/06/24 à 10h54]
Raphaël Glucksmann désavoue Aurore Lalucq, de son mouvement Place Publique, qui a signé le communiqué commun « Front Populaire » lundi soir et affirme : « Il n’y a pas, et il n’y aura pas d’accord avec LFI ».
Éric Ciotti (LR) annonce envisager un accord avec le RN.