Étienne Faure / Séries parisiennes

Publié le 11 juillet 2024 par Angèle Paoli

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"-Ah !- devant quelque tableau,  cette  mortelle pâmoison... "

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Comme on part en vitesse refaire sa vie, un soir d’été il arrive,
à l’angle d’une rue adoucie par un bar,  qu’une rencontre avec
des yeux complices,   présumés tels,  l’espace d’un éclair téta-
nise le temps.
La peau aimantée   par l’orage   offre alors cet aspect nommé
d’un raccourci de plume chair de poule.

Et    pour garder    la contenance –    ce menu geste en tenant
lieu -   on prend un verre,    épousant discrètement du regard,
compliment réversible,   une forme assez compliquée de féli-
cité, au moindre éclair des yeux, avec leurs façons proches, à
la fin presque amis, séduit.

La foudre est tombée


Au creux de l’heure, en plein été le geste est ralenti, mais l’œil
éveille un  mouvement d ’un seul homme des têtes à la terrasse
d’un bistrot   quand    la belle échappée    du bois dormant  des
villes   un quinze août à Paris défile à bicyclette,   débouche un
peu pincée,   princière,     dans les parages      de Saint-Antoine.
C’était, de lavis général, la mieux roulée    depuis cinq minutes.

séance plénière sous les platanes


Le soir     bien exposé    à la terrasse d’un café cramois, exta-
sié, on meurt    comme il fut de bon ton    jadis en Italie d’en
finir, entré en religion dans la pénombre des musées, interdit
-Ah !- devant quelque tableau,    cette      mortelle pâmoison
continuant de sévir d’identique façon dans le désir des corps
aimantés   par la lumière     quand déambule     la colonne de
Juillet,   beau platane d’or et de vert-de-gris,  un mouvement
des hanches – la vie – et qu’on en meurt.

mortelles pâmoisons

Étienne Faure, « Côté bar » in Séries parisiennes, Éditions Gallimard 2024, pp.70,71,72.

ÉTIENNE   FAURE

Source
■ Étienne Faure
sur Terres de femmes ▼

Vol en V, poèmes, Éditions Gallimard, 2022
→ [Après les rigueurs inhumaines | du gel] (extrait de Ciné-plage)
→ Et puis prendre l’air (lecture d’AP)
→ Sortir, Éloge appuyé des bancs, Changements de saison (extraits d’Et puis prendre l’air)
→ Les soirs d’été au pas des portes (extrait d’Horizon du sol)
→ sur « Le Poète à tête renversée » (extrait de Tête en bas)
→ Tête en bas (lecture d’AP)
■ Voir aussi ▼
→ (sur le site des éditions Champ Vallon) un autre extrait de La Vie bon train
→ (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature) une fiche bio-bibliographique sur Étienne Faure