correspondance

Publié le 24 août 2008 par Leonor

Cher Monsieur Mutis,
Le nom dont je signe le petit mot que je vous envoie ne vous dira rien. Cependant ce patronyme n’est pas le mien : il faut que je vous révèle après beaucoup d’années que mes parents se sont connus sur les bords du fleuve Xurandó un jour de 19… au cours d’un séjour que ma mère, Alice R. Grassmann, alors jeune journaliste parisienne et juive faisait dans ces régions.

Elle était envoyée par son journal (à vrai dire plutôt une revue : « les Nouveaux Mondes » ) sur les traces de cette colonie néerlandaise près des mines d’émeraude de T*** et sa liaison avec Maqroll ne dura que deux courtes semaines. Je suis né de cette passion entre deux corps qui se reconnurent, et s’éblouirent, entre deux esprits assoiffés de voyages et d’inconnu. Mais une passion ne saurait durer, n’est ce pas ? sur la terre et sur l’eau plus encore le chemin des coeurs est mystérieux et parfois douloureux.

Par respect pour notre famille européenne je vous remercie de n’avoir pas ébruité le fait et de l’avoir simplement évoqué par métaphores puisque une bonne partie des sentiments de mon père, Maqroll, et en particulier cette familiarité dans la fuite, ce goût du désastre, j’en reconnais pour partie l’origine.

Les deux tableaux de Cézanne et de Rouault que je vous envoie vous évoqueront quelques souvenirs je pense ; vous savez qu’ils furent en quelque sorte mon cadeau de baptême, quand Maqroll retrouva Alice lors de son passage à Istambul puis à Paris (Boulevard Quinet, contre le cimetière Montparnasse où mon grand-père maternel tenait un magasin de couleurs pour peintres et où M. passa un après-midi). Mon enfance, mes

études scientifiques, je les dois à la vente de ces œuvres par des biais qui vous intéresseraient si je pouvais en parler librement sans intéresser la Police et les Douanes de nos pays. Sachez aussi que, par ma mère, j’ai en ma possession quelques cahiers un peu déchirés, à l’encre bleue délavée et qu’un certain nombre de réflexions sur la vie, la mort, l’art de parler et de lire le ciel ou l’eau des fleuves, y sont consignées par la main de votre ami El Gaviero.

J’atteste en tous cas la profonde vérité de vos textes et je reconnais dans ce que vous écrivez de mon père un certain nombre des traits de personnalité que je partage.

Croyez cher Monsieur Mutis, en la grande affection – quasi filiale- d’un de vos toujours fidèles – quoique anonyme – lecteurs.

“Bien Pablo. Cumplí la misión de llevar la carta de tu suegro a las manos y a los ojos de Mutis, y le gustó mucho. Me dijo que te dijera que le dijeras textualmente que “me complace mucho, me alegra mucho saber que mis libros están vivos. Es que esta carta es la prueba de que Maqroll sigue vivo”. Por lo demás, me dijo que no sabía cómo contestarla y que confiaba en que yo hiciera que le transmitieras su alegría a tu suegro. C’est tout!
Ya estoy de vuelta. Hablamos, Jineth”