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C8 supprimée : la Macronie reformate le paysage audiovisuel

Publié le 29 juillet 2024 par Observatoiredumensonge

Pourquoi ? Le système est bien fait. En France, le droit d’émettre n’appartient pas aux chaînes. Les fréquences TNT, comme les fréquences des chaines hertziennes (TF1France 2M6…), comme les fréquences radio (Europe 1RTLFrance Inter…), appartiennent à l’État. Charge à l’Arcom d’attribuer les fameuses fréquences et de faire la police. Une façon plutôt restrictive d’interpréter la Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Mais c’est la France qui se rapproche, toutes sirènes hurlantes, des républiques bananières.

L’Arcom, structurellement proche du pouvoir

Or, en France, le gendarme de l’audiovisuel, l’Arcom, est une instance très très politique. Et très macroniste. Parmi les neuf « sages », le président de l’Arcom a été nommé en 2022 par… le président de la République Emmanuel Macron, en toute simplicité. Trois des huit membres restants ont été nommés par le président de l’Assemblée nationale en 2022 et 2023, donc soit par la macroniste Yaël Braun-Pivet, soit par son prédécesseur le macroniste Richard Ferrand. Quatre membres de l’Arcom sur neuf, dont le président (sa voix est prépondérante), doivent donc leur (très confortable) poste au pouvoir en place. Restent trois membres désignés par le président du Sénat (de droite) et deux respectivement par la première présidente de la Cour de cassation et le vice-président du Conseil d’État. Pas à l’abri, non plus, de l’influence du pouvoir.

Le même Arcom avait justement consciencieusement préparé le terrain en bombardant de sanctions historiquement sévères la chaîne C8ce qui permet au média d’État RFI de titrer : « Médias: l’Arcom écarte C8, la chaîne la plus sanctionnée de la télévision française. » En quelques années, C8 a écopé de… 7,6 millions d’euros d’amendes ! Du jamais-vu. L’animateur vedette de C8, Cyril Hanouna, qui appela un Macron tout miel, en direct dans l’une de ses émissions, est soudain passé dans la catégorie des menaces pour la République (lire aussi l’article de Gabrielle Cluzel).
Contactée par BVC8 se contente de préciser : « Nous ne faisons pas de commentaire à date. » La chaîne peut faire appel de la décision devant le Conseil d’État… qui a été lui-même d’une étrange sévérité, ces derniers temps, vis-à-vis des chaînes du groupe Bolloré. Le système est bien fait…

« On marche sur la tête »

À ce sujet — M.-O. Fogiel quitte BFM TV, rattrapée par CNews : la macronie à la manœuvre

La surprise semble réelle, au sein des équipes de C8 désormais menacées. Contactée par BV, une salariée résume le sentiment général : « Je suis choquée. » Le directeur général de Canal+ France en charge des antennes et des programmes, responsable de C8 et de CNews au sein du groupe Canal+, ne cache pas son indignation, sur X : « On marche sur la tête !, écrit Gérald Brice-Viret. Je suis comme beaucoup, sous le choc de l’annonce de l’Arcom de retirer sa fréquence à C8. Comment peut-on comprendre cette décision inédite dans l’histoire de la TNT (télévision numérique terrestre) vis-à-vis d’une chaîne qui a participé de sa popularité ? » Jusqu’ici, une seule chaîne avait subi cette sanction suprême, le retrait de sa fréquence, la petite chaîne Numéro 23, dernière de la classe de la TNT, après une incroyable carambouille. Mais la décision du CSA, ancêtre de l’Arcom, avait été… cassée par le Conseil d’État ! La situation de C8 n’a rien à voir. Avec 3,1 % d’audience moyenne en 2023 (soit plus que CNews), selon Médiamétrie, elle est « la première chaîne de la TNT », rappelle Gérald Brice-Viret, qui ajoute : « Quel mépris pour le public ! »

À gauche, une joie mauvaise parcourt les détracteurs des médias Bolloré, d’autant que la fréquence de leur cible principale, CNews, est renouvelée pour dix ans. Dur à vivre. Et que le projet mal ficelé de la télé d’extrême gauche Le Média est retoqué.

Mais à droite, les responsables politiques ne s’y trompent pas : ils voient l’évidence d’une décision politique. « Le groupe À Droite d’Éric Ciotti dénonce un scandale démocratique », écrit-il sur X. Ce groupe proposera une modification de la loi pour « garantir la liberté d’expression ». De son côté, Jordan Bardella n’est pas dupe : « La gauche, qui ne supporte aucune remise en cause de son hégémonie culturelle, aucune expression différente de la sienne, a eu le scalp de C8 en faisant pression sur une autorité « indépendante ». » À l’heure où nous publions, Bruno Retailleau, qui avait fait état de « menaces sur C8 », n’a pas réagi.

Des médias gentils avec le pouvoir

La gauche a raison de se réjouir maintenant – sans beaucoup d’égards pour la casse sociale inévitable –, car la suite risque d’être amère : Hanouna a assuré à ses équipes qu’elles seraient bien à l’antenne à la rentrée. Deux des chaînes de Bolloré, CStar ou Canal+, se feront un plaisir d’accueillir le trublion.

Enfin, dernière couche politique à ce dossier décidément trouble : l’Arcom a choisi, pour remplacer C8 et NRJ 12, deux chaînes qui ne risquent pas de donner des cauchemars au Président Macron. La première, OFTV, est une émanation du puissant groupe Ouest-France, qui ne brille pas par son esprit critique envers le pouvoir… La seconde, Réels TV, est financée par le milliardaire tchèque Daniel Křetínský, qui fit très peur à la Macronie en acquérant Marianne et en rentrant dans Le Monde, mais qui n’a cessé, depuis, de montrer patte blanche en revendant Marianne (en cours), en cédant ses parts dans Le Monde (en 2023) et en investissant dans Elle, dans le très gauchiste Loopsider (qui sera impliqué dans la nouvelle télé), sans oublier le prêt de 15 millions d’euros sans conditions à Libération, en 2022…

Les moutons médiatiques seront bien gardés ! Tout ce petit cénacle de censeurs chics devrait relire le sage Alexis de Tocqueville : « En matière de presse, il n’y a certainement pas de milieu entre la servitude et la licence. Pour recueillir les biens inestimables qu’assure la liberté de la presse, il faut savoir se soumettre aux maux inévitables qu’elle fait naître. »

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Boulevard Voltaire

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