Les années quarante avec son cortège interminable de douleurs ont bien failli tuer l’espoir mais pour Jacques Prévert, dans ne magnifique poème, c’est la religion qui a été touchée. L’humanité avec ses contrastes, porte, malgré ces années de guerres effroyables, l’espérance.
Notre Père qui êtes aux cieux
Restez-y
Et nous nous resterons sur la terre
Qui est quelquefois si jolie
Avec ses mystères de New York
Et puis ses mystères de Paris
Qui valent bien celui de la Trinité
Avec son petit canal de l´Ourcq
Sa grande muraille de Chine
Sa rivière de Morlaix
Ses bêtises de Cambrai
Avec son océan Pacifique
Et ses deux bassins aux Tuileries
Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets
Avec toutes les merveilles du monde
Qui sont là
Simplement sur la terre
Offertes à tout le monde
Éparpillés
Émerveillés elles-mêmes d´être de telles merveilles
Et qui n´osent se l´avouer
Comme une jolie fille nue qui n´ose se montrer
Avec les épouvantables malheurs du monde
Qui sont légion
Avec leurs légionnaires
Avec leurs tortionnaires
Avec les maîtres de ce monde
Les maîtres avec leurs prêtres leurs traîtres et leurs
reîtres
Avec les saisons
Avec les années
Avec les jolies filles et avec les vieux cons
Avec la paille de la misère pourrissant dans l´acier des
canons.
“Pater noster”, de Jacques Prévert, “Paroles”, Éditions Gallimard.