Procédons par un autre tour de spirale autour de la phénoménologie.
La phénoménologie est une méthode, une démarche, une attitude ; elle n'est pas une doctrine, une idéologie. La méthode phénoménologique veut démontrer qu'il existe une relation essentielle entre la conscience et le monde.
L'attitude pour observer le ''phénomène'' consiste à le mettre entre parenthèse, à suspendre notre jugement. C'est ce que l'on nomme ''la réduction'', ou ce que Husserl appelle aussi l'Épochè en grec (ἐποχή / epokhế)
" Revenir aux choses mêmes ", nous dit Husserl, et pour ce faire, procéder à une " réduction phénoménologique "
Nous avons sous les yeux, deux œuvres essentielles de Merleau-Ponty, Le Visible et l'invisible (rédigés entre 1959 et 1960) et L'œil et l'Esprit, publiés à titre posthume. Remarquablement bien écrits, ce livres restent difficiles...
La discussion qui s'installe entre Lancelot et Elaine, permet d'avancer sur les tours de notre spirale.
- Avec Merleau-Ponty, la pensée est une aventure humaine, il ne s'engage pas à moitié, il veut penser avec tout son corps jusqu'à chercher à définir la vérité...
- Oui, il mêle deux tradition, celle de la raison et celle de la sensibilité.
Descartes pensait se trouver en évacuant le monde : dans la solitude, il reste mon existence... Résultat, le monde est à distance de lui... Merleau s'interroge, si - sans le monde - il peut être lui-même ?
- En effet, c'est une bonne question : Peut-on exister séparément du monde ? Le monde n'est-il qu'un spectacle ?
- Chacun, un jour, ne s'est-il pas demandé : n'ai-je pas l'illusion que le monde existe ?
- Mais que serait un monde que je ne verrais pas ? Un amour que je ne vivrais pas ... ?
Et pourtant, même si c'était le cas, j'en ai quand même l'idée !
- Mais... Dans '' l'œil et l'Esprit'' : il écrit : " la science manipule les choses et renonce à les habiter ".
- Il dit aussi, je crois, que le sujet peut par la force de sa raison se servir de ces objets ; il peut faire de la science, prétendre à l'objectivité.
- Encore une question : Comment rencontrer le monde, alors que nous en faisons déjà partie ?
- Notre professeur, nous disait que Merleau est un penseur tragique, ( pas au sens de la catastrophe, mais au sens d'un problème qui ne trouve jamais sa solution ) ; au sens où il faut renoncer ( surtout en politique) à l'absolu.
- Il n'y aura jamais de coïncidence entre le sujet et l'objet. Effectivement il nous faut accepter cette situation de blessure...
Il nous faut reconnaître que le monde n'est pas un spectacle et le sujet n'est pas souverain.
Pour Merleau, le visible a toujours une profondeur, le visible repose sur un invisible. Ce que je vois à un moment du temps, est lié à un avant et à un après et n'a de sens que comme cela..