Le personnage adore que l'on parle de lui, il fait tout pour. D'ailleurs, les laquais adoreront intituler leurs messages "Top chef", ce serait tellement mieux.
Pourtant, derrière la success-story M6, tout n'est pas clinquant et tout ne va pas aussi bien au point que sous-titrer "Maison à vendre" un billet sur la chaîne ne serait pas exagéré.
Nicolas de Tavernost [de son vrai nom Nicolas Bellet de Tavernost] a annoncé son départ définitif en avril prochain. Il occupe la place depuis 1987, depuis qu'au matin du 1er mars 1987 à 11h15, la chaîne M6 a remplacé l'éphémère TV6 alors dédiée à la programmation musicale. Véritable robinet à fictions archi rediffusées, M6 a fait son succès dans la durée, avec le temps et à la faveur opportuniste de coups qui, alliés à une gestion serrée, ont permis de constituer un trésor de guerre dont la pérennité n'est pas assurée.
Derrière la mauvaise-foi légendaire de Tavernost qui a beaucoup promis et pas forcément fait grand chose, derrière les arrangements destinés à toujours favoriser les annonceurs remplissant les caisses au détriment de certains angles plus journalistiques, derrière l'apparente façade de la bonne santé qui cache la forêt d'audiences en berne, le capitaine de la sixième chaîne part sur un échec cuisant : il n'aura pas réussi à fusionner avec TF1.
Mais en étant honnête, la crise couve depuis plus longtemps. Depuis la multiplication des chaînes à la faveur du lancement de la TNT à laquelle M6 comme TF1 ne croyaient pas, l'audience s'est morcelée au point que les anciennes parts de marché se portant à 12 voire 13% ne sont plus qu'un lointain souvenir : on est aujourd'hui autour de 8,5%. Derrière, on se rassure en se disant que les FRDA [les fameuses Femmes Responsables Des Achats] continuent de regarder Plaza, Lemarchand et autres jouer les ingénus et faire de la télé low-cost. Les annonceurs sont ravis même si le coût de la grille s'est envolé au delà du raisonnable pour le grand argentier de la chaîne qui aura réussi à faire diffuser, sans interruption, "la petite maison dans la prairie" depuis 1987 sur l'une des antennes du Groupe.
Pour rattraper son retard, Tavernost a tout fait pour obtenir des canaux supplémentaires : W9, Gulli, 6ter, Paris Première ... il a tenté toutes les diversifications possibles au point qu'on se rapprochait davantage d'un conglomérat salvateur quand la publicité s'effondrait. Depuis quelques années, Tavernost rationnalise, cède à tout va, reconstitue des marges de trésorerie parce qu'il sait que les vents sont contraires et qu'il faudra trouver de l'oxygène bientôt. D'ailleurs, il a eu très peur à l'occasion de la reconduction de la fréquence de M6, très peur de Xavier Niel qui avait pensé pouvoir mettre la main sur le canal et déloger ainsi M6. Après l'échec de la fusion avec TF1, cela aurait sonné comme le coup de grâce. En payant davantage les auteurs et en promettant un feuilleton quotidien qui ne verra jamais le jour, il est passé très près du couperet. Aujourd'hui, il passe la main alors que l'avenir de M6 est des plus incertains.
La famille Berlusconi se verrait bien mettre la main sur cette pépite pour faire son retour en France après l'échec de La Cinq. Xavier Niel n'a pas dit son dernier mot. Rodolphe Saade a déjà un pied dans la place avec ses 10% du capital et verrait bien une fusion BFMTV-M6 [qui apporte en plus la radio RTL]. Et l'on n'oublie pas l'ogre Bolloré qui a souvent loué la gestion de la maison M6 et sa propension à cracher du cash. A n'en pas douter, M6 va changer de propriétaire bientôt puisque RTL Group n'en veut plus depuis 2021. Si la marque est forte, l'offre de programmes va mal et M6 peine à trouver de nouveaux formats susceptibles de doper ses audiences ["Destination X" a été un flop].
Du coup, le départ de Tavernost sonne comme un pas de plus vers le précipice, la nouvelle page à écrire procédant certainement davantage du nouveau chapitre voire même d'un autre livre à part entière.
Tto, qui trouve le personnage assez détestable