J'ai croisé une petite vieille avec un chapeau vert, hier. Un drôle de petit chapeau, ni boule, ni pointu sur la tête d'une dame, ni belle, ni laide. C'est le chapeau qui a retenu mon regard, pas la dame. Elle aurait pu être un homme d'ailleurs ou même une autruche et pourquoi pas un kangourou en habits du dimanche ? Il semblait bien enfoncé. Il ne bougeait pas d'un poil. De toute façon, rares sont les chapeaux à poils !
Quand j'ai croisé ce chapeau vert, sur la tête de cette dame, j'ai senti monter en moi comme un sentiment étrange. Un étrange sentiment ni bon, ni mauvais, probablement de l'étonnement. Bien sûr, cela m'étonnait de croiser ainsi une dame avec un chapeau vert qui traversait au rouge la place Verte. Quelle drôle d'idée !
Je me suis senti pousser des ailes et une envie folle de lui prendre son chapeau s'est emparée de moi. Vous savez comme cette envie soudaine et irrésistible, enfantine et ludique de donner un coup de pied dans une cannette abandonnée au milieu d'un trottoir, juste pour le plaisir de l'entendre rouler dans un bruit de métal vide. Bien sûr, le vol de ce chapeau n'aurait fait aucun bruit, à moins que les cris de la vieille...
Le vert se brouilla, le rouge s'imposa et je ne fus plus qu'un passant pris en défaut sur les lignes jaunes d'un passage pour piéton. Le charme fut rompu et le chapeau avait disparu.