La fille de Lancelot, Elaine propose à la Sorbonne, un exposé sur l'événement historique. Elle va tenter d'y apporter une inflexion phénoménologique, qui va -on le lui prédit - heurter certains universitaires, du moins dans la discipline historique...
Effectivement, l'époque est - chez les historiens - à l'influence prépondérante de L'école des Annales, fondée en 1929 par Marc Bloch et Lucien Febvre ... Cette approche historique critique l'importance donnée jusqu'à présent aux événements politiques et militaires . Elle va se concentrer sur les sociétés, les mentalités et les structures. Elle privilégie la longue durée, plutôt que les événements ponctuels, et minimise l'expérience individuelle. Elle se méfie d'une conscience subjective perçue par des individus. Aussi Elaine et Lancelot, estiment que l'approche des annales aurait tendance à déshumaniser l'histoire, en méprisant les expériences humaines.
Paul Ricoeur avait publié, en 1955, '' Histoire et Vérité '' qui explore notre compréhension de l'Histoire, et par là même interroge le métier d'historien ce qui, évidemment, intéresse Elaine.
Peut-on s'imaginer comprendre l'histoire passée, alors que nous sommes acteurs, et témoins de l'histoire présente ? Nous pensons que les événements passés et présents peuvent peuvent avoir des liens communs, et même s'influencer.
Les ''philosophies de l'Histoire'' ne peuvent-elles pas ''corrompre '' l'historien ; entraîner des biais dans son analyse, je pense en particulier au marxisme ?
Peut-on tout comprendre des événements historiques : quelle par d'irrationnel dans la violence ?
L'historien doit - mais le peut-il - rester objectif ? On pourrait citer divers historiens et leur gestion des sources, des preuves et des interprétations.
L'objectivité repose sur une pensée méthodique, ordonnée et rationnelle. Mais elle ne peut pas être confondue avec celle des sciences physiques ou biologiques.
Ricoeur se méfie d'une histoire qui se prétendrait objective. Elle pourrait le prétendre si elle estimait que seules les structures, les forces et les institutions comptent, s'attachant aux mécanismes impersonnels.
Ricoeur est persuadée que l'objectivité de l'histoire repose sur une " subjectivité de réflexion ". En effet, l'historien interprète en méditant sur l'agir humain, et c'est ce qui rend l'histoire intéressante et pertinente pour notre présent.
Il est nécessaire de considérer les vies, les motivations des acteurs... Ricoeur compare l'historien au juge : les deux recherchent la vérité.
Elaine rejoint Ricoeur, quand il s'intéresse à l'Histoire, parce que les récits, les ''histoires'' façonnent notre compréhension du monde ; elles vont jusqu'à donner un sens à notre existence. L'Histoire participe à la construction de l'identité individuelle et collective et de notre façon dont nous agissons dans le monde...
Pour Ricœur: " L'objet de l'histoire, c'est le sujet humain lui-même. ". Elaine préfère l'idée de se concentrer davantage sur les individus, leurs actions, leurs motivations et leurs choix dans des contextes spécifiques, que sur l'exploration du social.
Ricoeur s'appuie sur la méthode phénoménologique, et pratique l'herméneutique, c'est à dire l'art de l'interprétation des textes, des symboles, des événements.
D'ailleurs, pour Edmund Husserl, lui-même, l'histoire n'est pas simplement un enchaînement d'événements objectifs, mais plutôt un " roman de l'histoire ". Cette expression suggère que l'histoire est tissée de récits, d'interprétations et de significations subjectives. L'idée du " roman de l'histoire " souligne que l'histoire est un récit complexe, avec des personnages, des intrigues et des émotions.
Les historiens, tout comme les écrivains de romans, sélectionnent, organisent et donnent un sens aux événements historiques.
Ceci dit, Lancelot souhaiterait aller bien plus loin dans l'exploration des '' faits et événements passés '' ; précisément encore, bien avant la '' pré-histoire '', et dès la naissance de l'Univers...
Pourquoi cela ? Sans-doute pour exprimer cette idée, selon Teilhard de Chardin, que le '' phénomène humain '' est le fruit de cette histoire : celle de la convergence entre le cosmos, la vie et l'esprit.
L'histoire est le récit d'une réalité qui s'exprime dans la complexification croissante de la matière et la montée en conscience de l'humanité.
Bien-sûr, Teilhard de Chardin propose une vision optimiste de l'histoire, qui tend vers un point oméga où l'homme atteindra son accomplissement spirituel.
L'histoire est, pour lui, une affirmation du monde spirituel et une voie d'épanouissement pour l'homme