<<Poésie d'un jour
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Fenêtres à Amsterdam. D’autres fenêtres que celles avec les filles, des
fenêtres allumées au-delà de l’immense acacia qui dépasse la maison à
trois étages, des fenêtres-boîtes, des caisses vitrées et éclairées, des caisses
avec des histoires d’orphelins dans la cour du Musée d’Amsterdam. Et
d’autres caisses avec des histoires de familles fortunées et généreuses.
Musée avec des caisses raconteuses. Je me souviens du coffre du lit contre
lequel je m’adossais lorsque je lisais. Le coffre capitonné accompagnant
mes lectures. Et à nouveau, c es caisses-boites-vitrines avec des histoires.
Des fenêtres avec des fromages, un musée du fromage, des fenêtres avec
des dentelles, des chaussures Saint-Crispin faites à la main (de grandes
pointures pour hommes grands), des fenêtres avec des canapés confortables,
garnis de coussins. Des fenêtres avec des lampes de nuit parmi les arbres,
fenêtres-façades. Et tout à coup me reviennent les fenêtres de synagogue
peintes pas Chagall. Des fenêtres que je collectionne de partout ainsi que
des livres, des lettres ou des cartes postales.
Des petites fenêtres à l’arrière de la maison comme des carrés éclairés dans
ces jours d’hiver. J’ai toujours aimé ces petites fenêtres, par lesquelles
je regardais comme par une lunette les autres, car elles donnaient sur
d’autres jardins. Je me tenais perchée sur le tabouret et les regardais. Et
chaque jour j’avais un petit film. Tantôt, c’était assez ennuyeux, travaux
quotidiens, tantôt c’était plus animé, rencontres de parents, cris de joie
ou jurons. Et un jour, je ne sais pas comment c’est arrivé, la petite vitre
du garde-manger s’est assombrie. Elle s’obstinait à rester cendrée. Un
gris cendré et graisseux à me donner le tournis, voire la nausée.
Lorsque le cadre des fenêtres était encore en bois, nous avions
une autre relation au bois. Nous l’essuyions, nous en suivions les fissures,
les bouchions au mastic, les peignions. Les fenêtres dont nous prenions
soin faisaient partie de notre vie. C’était quelque chose de normal, aussi
normal que les saisons et leurs fêtes. Puis, nous y mettions de petits
rideaux ou des dentelles. Et ils n’oubliaient jamais leur raison d’être.
Doina Ioanid, « Les poèmes des fenêtres » in Une obscurité remplie de lumière
Traduit du roumain par Jan H.Mysjkin, Préface Carmen Muşat, Éditions Lanskine 2024, pp.13,18,19.
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