Magazine Journal intime

Des bouts d'ateliers

Publié le 26 août 2008 par Vanessav
« Je restais seul parmi les sculptures et les toiles. (…) Tout autour de moi, il y avait des formes, forgées dans le métal ou taillées dans la pierre : hautes et poignantes sculptures de mères et d’enfants, de charmantes têtes de femme ; des bustes sveltes ; des poings en pierre, jaillissant de leur base rugueuse comme des cris ; des couples enlacés ; d’énormes oiseaux, tissus de rêves fantastiques ; les animaux d’une mythologie personnelle ; il y avait aussi des formes abstraites, presque liquides, délicatement modelées, en bronze poli. Pas une seule toile n’était figurative. Tout cela brillait, irradiait de subtiles harmonies, renforcées quelquefois par des textures inattendues, comme le sable, le plâtre et même, dans une très grande toile, par des morceaux de verre bleutés pris dans une pâte de remous orange. Il peignait avec force la couleur et la matière ; je me sentis rempli de la sensualité qui en émanait. Embarrassé, un peu effrayé, je fermai les yeux puis les rouvris ; à nouveau cette explosion de couleurs, cette vague de sensualité, brutale, élémentaire, comme une lumière qui jaillirait brusquement dans l’obscurité la plus noire. J’avais déjà vu certaines de ces toiles au musée, mais elles ne m’avaient pas touché comme maintenant. Je n’y avais pas senti cette sensualité sauvage. »
(extrait de « Je m’appelle Asher Lev » de Chaïm POTOK)
Voilà, tout est dit. Je voulais une catégorie à l’intérieur des ateliers pour cette impression-là. Alors j’ai essayé, avec énormément d’effort et peu d’émotions dans le rendu. Je voulais vous emmener avec moi dans toutes ses impressions à chaud, entre les œuvres des artistes. Pas aux musées, non ! Bien ailleurs, dans leur fatras, leur bazar, chez eux, là où il faut faire attention en entrant, une toile séchant près de la porte, une autre sur le chevalet qu’il faut enjamber pour fermer la fenêtre, où cela sent la térébenthine, la peinture, où les pinceaux sont mal rangés, les tableaux pas mis en valeur, les sculptures pas dépoussiérées.

copie de l'Annonciation de VAN DER WEDEN commencée par ma mère (elle me mettait à contribution, la broche-attache de la cape de l'ange était de mes mains de toute jeune adolescente, 14/15 ans ?... et la miniature ronde au dessus du lit devait l'être aussi)

En fait, j’avais envie de me souvenir. De me souvenir des lieux de mon enfance, dans mes maisons familiales où les personnes peignaient…sans faire attention à moi pendant longtemps quelquefois. De leur regard aiguisé, paupières mi-closes ou pupilles dilatées, de leur maux de tête après tant de temps de concentration. Des croquis, esquisses, des brouillons, des ratés. Des matières premières pêle-mêle par terre, des doigts tachés, des habits froissés (voire plein de sueur).

*œuvre d’un atelier de peinture de rue (Art & Développtment)
Mais j’avais oublié. J’ai aimé ce bazar, même si je n’avais aucune place dedans. J’ai aimé n’être qu’une ombre, un regard au dessus de leurs épaules. Et j’ai détesté ça ! Je voulais être reconnue… je le suis… autrement. Alors voilà, en emmagasinant les livres je me suis créé mon propre bazar, foutoir complet et pourtant agencé (si, si), mon matériel de peinture, de dessin, lui, étant bien rangé, trop rangé, tellement que je ne le sors plus, pas, pas assez. Alors j’ai pris le relais avec l’écriture, des billets aussi sur ce média. Des histoires, en oubliant que la peinture est sans histoireje me voulais illustratrice de ma vie, sans réel succès. Et j’ai oublié. J’ai oublié que dans cette catégorie là je voulais parler de cette sensation d’être au prise avec l’œuvre, rien n’est aseptisé comme dans un musée, tout sent, rien n’est objectif, tout est subjectif et soumis au jugement de l’œil du visiteur. Je voulais vous parler de cela. Des impressions fugaces, des souvenirs tenaces, des odeurs inoubliables et aussi de cet égoïsme des artistes (de certains… ou de tous). Parce que cela me manque, parce que je n’ose rentrer dans les ateliers et pourtant j’en rêve. Parce que les détails, les ustensiles, les matières premières, les brouillons, les éclats de voix, de rire, les mains pleines de taches ou de glaise, les portes qui claquent, cette foi en quelque chose me semblent quelquefois plus intéressants que l’œuvre finie.

*source mains de potier
J’ai envie de rependre le dessin, comme avant, comme quand je dessinais tout, le chien, le chat, le prof, la voisine, les statues du jardin, les pubs, les fleurs, les fées et les lutins…les hommes… etc… et j’ai envie de rentrer à nouveau dans ces ateliers, alors avant l’ouverture du mien, promis j’en ouvrirais d’autres.
"Toute visite d'atelier peut avoir valeur d'initiation ou, à tout le moins, nous donner l'illusion d'accéder à un univers qui nous est étranger et auquel un privilège nous a conduit, ouvrant des portes jusqu'alors inconnues. "
(introduction au texte que Germain VIATTE, directeur du projet muséographique du Musée des Arts Premiers, a écrit dans le catalogue " Ousmane Sow, le soleil en face ", après sa visite à l'atelier en avril 1998)


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