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Où est passée la lutte des classes ?

Publié le 17 septembre 2024 par Zebralefanzine @zebralefanzine

Les Gilets jaunes, mouvement qui représente une volonté de changement politique en profondeur, et non une volonté de remplacement du monarque républicain par un autre, doit particulièrement se méfier du romantisme de la lutte des classes, qui constitue le fond de sauce de la démagogie des "Insoumis" de Jean-Luc Mélenchon. Le romantisme de la cause palestinienne en découle, et il n'est pas moins illusoire, voire dangereux.

Selon Karl Marx, qui donne un sens précis à la notion de "lutte des classes", celle-ci a pris fin en France en 1850. En effet, la paysannerie française a alors accordé largement ses suffrages à Louis-Napoléon Bonaparte, alors même que celui-ci était soutenu par la grande bourgeoisie industrielle, et que Napoléon III mènera pour le compte de celle-ci une politique industrielle, dont l'attaque de l'Allemagne de Bismarck constitue le prolongement. Par conséquent, la classe des paysans vota contre l'intérêt de sa propre classe, inaugurant une longue tradition de cocufiage des Français par le suffrage universel (et l'Education nationale, qui leur enseigne que le suffrage universel est une modalité de la démocratie).

L'histoire marxiste s'accorde avec la nouvelle division du travail à l'échelle mondiale, qui désamorce pratiquement la révolution prolétarienne en Europe, et ce dès 1914. Ajoutons ici une précision historique importante : la révolution bolchévique est une révolution agraire, et nullement une révolution prolétarienne : c'est la promesse ou la garantie du partage des terres aux paysans qui permit à Lénine de conserver le pouvoir tombé entre les mains des bolcheviks après l'effondrement du régime tsariste, miné par la guerre.

Un historien marxiste verra bien plutôt, dans les deux guerres mondiales industrielles, un phénomène qui se rapporte à la lutte des classes. Si la bourgeoisie industrielle française, allemande et britannique a entraîné efficacement les ouvriers français, allemand et britannique à s'opposer au cours de guerres qui ont ramené l'Occident au niveau de la barbarie, elle l'a fait à son détriment, entraînant l'Europe à une déroute globale, et favorisant l'émergence d'empires auxquels l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni sont inféodés ; on peut prendre la désindustrialisation du Royaume-Uni et de la France comme le symbole de cette soumission.

Si, d'ailleurs, la construction européenne a échoué, c'est à cause de l'impossibilité de l'Allemagne de s'émanciper du bloc russe et du bloc américain, en dépit de la réunification.

La lutte des classes au XXe siècle en Europe est donc une pure mythomanie. E. Macron le sait parfaitement, d'où son exhortation ironique à "lire Karl Marx". La gauche est donc divisée en deux parties : l'une, romantique, est vouée à être cocufiée indéfiniment (elle l'est au moins depuis 1981) ; l'autre s'organise pour remplacer E. Macron et appliquer à sa place ce que D. de Villepin qualifie sans rire d'"orthodoxie financière européenne" (il faut être une sacrée buse pour qualifier la corruption d'orthodoxie).

J.-L. Mélenchon et son parti se servent de la cause palestinienne, ils ne la servent pas - exactement comme E. Zemmour fit avec la cause sioniste lors de la présidentielle, comparant pratiquement les banlieues françaises à un mouvement terroriste. Ce faisant, J.-L. Mélenchon expose les Français musulmans, ou seulement d'origine nord-africaine, à être assimilés à une cause étrangère. S'il était élu président de la République, on voit mal quelle aide J.-L. Mélenchon pourrait apporter aux Palestiniens, lâchés par le parti démocrate américain ?

Les Gilets jaunes ne représentent donc pas une classe de travailleurs opprimés par le Capital, suivant ce que l'on peut observer encore en Asie ou Inde, mais une majorité de Français, privée de moyens d'action politique par une petite caste appliquant, en fait de politique, des recettes technocratiques qui ont conduit la France au bord d'un gouffre financier.

Le mouvement des Gilets jaunes n'est pas à proprement parler un mouvement anticapitaliste, comme le fut plus nettement "Mai 68", mais il l'est sans doute plus que les candidats "révolutionnaires" qui présentent des candidats voués à l'échec à des élections conçues par l'oligarchie capitalistes comme des pièges à cons.

Marine Le Pen et son jeune poulain Jordan Bardella ont la franchise de ne pas dissimuler leur jeu, ou très peu, en se posant pratiquement comme le parti de la police. Les Gilets jaunes ont sans doute été la cause involontaire de la dédiabolisation soudaine du RN, en poussant la petite caste oligarchique à se rapprocher de son service d'ordre.

Si Le Pen et Bardella se souciaient un tant soit peu des Français, ils auraient boycotté les élections européennes : les députés du RN sont bien placés pour savoir que la Commission joue le rôle de court-circuit : elle permet à l'oligarchie de gouverner la France comme si c'était un pays en guerre.

L'écologie n'a rien non plus d'une obligation pour les Gilets jaunes, étant donné la capacité des partis politiques qui s'en réclament de mettre entre parenthèses l'écologie à la première occasion. Les Gilets jaunes ont tout intérêt a conserver la neutralité politique qui fut la cause de leur succès, leur permettant d'agréger les bonnes volontés, à l'écart des slogans idéologiques.

Les Gilets jaunes ont aussi intérêt à ne pas tomber dans l'antimacronisme primaire. E. Macron ne fait que dissimuler une inertie politique dangereuse, dont il est beaucoup moins responsable que ses prédécesseurs. L'illusion serait de croire que l'illusion disparaîtrait avec l'illusionniste Macron. La constitution n'a pas été conçue pour être respectée, mais pour inspirer le respect à la foule des croyants.


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