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En Ukraine, j’y étais

Publié le 16 septembre 2024 par Georgezeter
Ukraine, étais

2015 - 2016, déjà les tensions se faisaient fortes. À Lviv, on vendait des rouleaux de pécu à l'effigie de Poutine, et prononcer un mot en russe équivalait à chercher des ennuis. Dans cette belle ville de l'extrême ouest du pays, à la frontière polonaise, malgré un semblant de rythme paisible, sous couvert, bouillonnait un sentiment très fort antirusse, anti-Poutine. J'habitais Uzhgorod, ville plus au sud aux confluents des frontières hongroises-roumaines. Citée calme et proprette avec cependant un penchant très fort pro-européen, ce qui d'ailleurs divisait le pays entier. Pro-européen ou pro-russe, il n'y avait pas d'entredeux ! J'exerçais comme professeur d'anglais à l'Académie des Beaux-arts de Transcarpatie. C'est là où j'ai découvert l'enseignement sur tableau noir et la craie blanche qui crisse et comme chauffage ? Nous, nous tenions dans des salles minuscules, et le nombre faisait chaudière. Ce qui m'étonnait le plus étaient mes élèves féminines qui souvent affrontaient les bourrasques neigeuses par des températures à moins moins, seulement vêtues de minijupes ; la femme ukrainienne ne sort jamais de chez elle sans être apprêtée de la tête aux pieds, comme si elle partait au bal. Aucun problème de tenue ou d'indiscipline, car, chacun/chacune savait que parler une langue de l'ouest était le ticket de sortie. Une anecdote. Un soir après les cours, je voyais une de mes élèves marcher tête baisée pour affronter le blitz, je m'arrêtais et la faisais monter dans ma voiture puisque nous allions dans la même direction. Quelques minutes plus tard, elle me demanda de stopper et de l'attendre. Elle traversa la rue et alla vers une vieille dame, lui prit le bras, traversa avec elle et la fit monter sur la banquette arrière, puis, me donna la direction à prendre pour l'accompagner chez elle. J'aidais cette vieille dame à monter son cabas et la laissais devant sa porte. Lorsque je demandais à mon élève si cette dame était de sa famille, elle répondit que non, mais qu'elle ne pouvait pas laisser une femme âgée toute seule affronter le froid et la neige... Qu'une gamine de 15 ou 16 ans agisse comme cela m'est resté comme un des beaux souvenirs de ce peuple sachant endurer et sachant se comporter, même très jeune !

qui un an auparavant avait vu une émeute entre ukrainiens-ukrainiens pro Europe, et ukrainiens-russophones pro Russie. Résultats, une cinquantaine de morts de langue russe, pour la plupart brulés vifs ou massacrés lors de leur sortie du bâtiment en flammes. Dans la ville, on pouvait sentir une tension forte, qui s'illustra lorsque j'allais dans une épicerie et disais merci en ukrainien, Odessa : j'arrivais par la route en octobre 2015 après un périple digne d'un Paris/Dakar, car l'état des routes était déplorable ; des nids de poule de quoi faire disparaître une chèvre au fond, des automobilistes ayant acheté leur permis au commissariat, un climat où la nuit noire tombe à 16 heures et des panneaux illisibles parce qu'en alphabet cyrillique ; quant au GPS... Le lendemain, en me promenant, je tombais sur les ruines du bâtiment des syndicats [i]dyakuyu au lieu du spasiba russe, le type m'insultât je pense et le mieux était de déguerpir vite avant que ça tourne mal. Ambiance... Plus tard, j'allais dans un pub et discutais avec des jeunes d'une vingtaine d'années. Des ukrainiens de Kiev aux crânes presque rasés, habillés semi-paramilitaire tous sans travail, alors qu'ils avaient poursuivi des études supérieures et lorsque je les branchais sur l'époque communiste, qu'ils n'avaient bien sûr pas vécu, tous me firent l'apologie, non pas de Hitler, mais des " sauveteurs " nazis qui en 1941 les avaient libérés du joug stalinien. Déjà, en 2015, la propagande pro Stepan Bandera avait fait son effet et il n'est pas étonnant qu'à partir de 2022, énormément de ces très jeunes voulurent joindre les groupes néo-nazis type Azov et ainsi réanimer l'esprit de " résistance " fantasmée, du combat contre les bolcheviques... [ii] A souligner le très bon niveau d'éducation de la population ; certainement les dernières traces du communisme " heureux ".

La guerre du Donbass lointaine : je suis resté en Ukraine de juillet 2015 à mars 2016. Personne ne pipait mot à Uzhgorod sur ce qui se passait dans l'extrême est. Pourtant, les morts s'accumulaient chaque jour du fait des bombardements des ukrainiens miliciens pro Europe contre les populations civiles russophones. Ni la TV ou autres médias à l'ouest ne mentionnait ce massacre perpétré au nom des populations dans lesquelles je vivais. Les rares fois où je tentais de mettre le sujet sur le tapis, c'était niet ! Et ne pas insister. Les " événements " de la place du Maïdan à Kiev en 2014 semblaient s'être déroulés dans un passé révolu dont on ne parlait pas : un peuple peut vivre dans le déni de son histoire en toute quiétude, ce qui est fortement inquiétant, et qui certainement entrainera le 22 février 2022...Si on excepte les manipulations des Anglos saxons...

Le temps passé là-bas : j'ai appris à aimer ce peuple, chanteur et danseur. Moi qui ne mets jamais un pied dans nos églises, chaque dimanche, j'allais avec mon amie, très croyante à l'Église orthodoxe. Ces chants liturgiques me faisaient dresser les poils des bras tout drus, tellement les entendre entonner tous me remuait l'âme. Cet échange chanté entre le Pop et les fidèles rendait le passage du temps intemporel, et à la fin des deux heures, je me disais déjà ? Il en allait de même pour n'importe quelles célébrations, où, chacun chantait à s'en péter les boulons de l'âme en se regardant dans les yeux et au final choquer les verres à coups de forts " dlya vashoho zdorov'ya ! " L'étonnant de ce peuple qui ne s'est mélangé qu'avec des russes ou des baltes, est que son caractère général, (c'est mon ressenti) est que c'est un mixte d'allemands, à savoir, organisé, pragmatique et bosseur et en même temps la fuera espagnol où hommes et femmes en un instant deviennent volcaniques, c'est assez impressionnant et déroutant ! Des habitudes étranges comme s'inviter à picoler à des quatre heures du matin en grignotant des malossols (gros cornichons) sur fond de verres de vodka ; un conseil, ne jamais les suivre sur ce terrain-là, car c'est le coma éthylique en fin de soirée assuré. Quant aux femmes ukrainiennes... Des reines de beauté pleines de santé ! Souvent des femmes simples, près des choses, bonnes mères, bonnes épouses, des femmes dites classiques, particulièrement si elles viennent de petites villes ou de la campagne. Le dimanche, dans les rues, qu'il pleuve, qu'il vente ou fassent beau, elles sont avec leur poussette à balader leurs enfants. Une femme digne de ce nom en Ukraine se doit d'être mère avant ses 25 ans ; quant aux hommes ? Disparus, certainement entre eux, à regarder le foot ou autres activités dites masculines. C'est un monde qui vit en parallèle, et où le féminisme n'a pas de prise, et où les hommes vis-à-vis des femmes ont de nombreux devoirs : pas étonnant que Poutine fustige la décadence occidentale. Déconseillé : le vendredi soir à partir de 21 heures ne pas rouler avec sa voiture, car le nombre de mecs totalement bourrés se déplacent et sont prêt aux moindres écarts à descendre et engager une castagne, comme en plus ce ne sont pas des manchots, s'abstenir et prendre des taxis.

Nostalgie : ces neuf mois en terre slave m'a fait aimer et respecter ce peuple courageux, qui malgré une économie à la dérive, des politiciens entièrement corrompus, des forces de l'ordre vivant sur la population, une armée aux tendances mercenaires nazifiantes et un gout pour les alcools forts un peu trop prononcé ; j'ai vraiment apprécié ces jolies églises bleues, jaunes et rouges avec leur dôme doré étincelant au soleil filtrant des pays froids. Les femmes marchant droites et fières telles des princesses héritières d'un Nestor Makhno éternel. Des " babas ", ces grands-mères, durs comme des pierres qui, assises sur le bord des routes l'été, en plein cagnard, vendent leurs tomates du jardin ; leurs joues bien rondes ressemblent à ces fruits cultivés si durement à l'arrière de la cour. Ces petites isbas serrées l'une contre l'autre dans ces villages perdus aux fins fonds des plaines tchernozioms, aussi appelées terres noires et l'immensité figée balayée par des vents de l'Oural...

Alors, ça n'a aucun sens que ces deux peuples cousins germains s'entretuent tellement qu'il y aura toujours entre-eux, cette musique, ces chants d'âme, ces rires qui me ramènent dans les chapitres écrit par François Cavanna dans son livre " Les Russkofs "... Et son grand amour d'ukrainienne Maria. Pour moi, ce fut Yana...


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