Isabelle Pinçon / Petita, bientôt

Publié le 26 septembre 2024 par Angèle Paoli

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Photo : G.AdC

Des griffures dans l’air du soir, de vilains nuages
entre ta maman et moi, pas vraiment la tempête
mais un temps lourd, chargé d’oiseaux noirs.

Je quitte la maison pour croiser d’autres mots,
n’importe lesquels même e le mot pluie fera
l’affaire


                                 *

Je viens de t’acheter un petit ciré avec des cœurs
superposés.

La réconciliation est certaine, immédiate.


                                 *

Ta maman soulève son pull à table pour te voir,
au lieu de finir son assiette.

Je suis assise en face de toi, tu te cales toujours
côté gauche.

                                  *


Plier les pyjamas par taille, laver les bodys,
repasser, mettre les jolies tenues sur les cintres,
ranger, empiler, organiser, faire des tas, chaque
jour est un long programme.

Bientôt ton corps va exister dans nos mains.

                                    *

Le premier acte que je signe, ma présence de
bientôt grand-mère pour toi.

Ta maman se tient devant, première, principale.

                                           *

L’homme a quitté la longue plage et les palmiers,
a quitté le bord du grand bassin où les deux
graines se sont rencontrées, a décidé de prendre
le large, si loin des côtes, si loin de ta maman, a
disparu de la ligne, du volcan et des rires.

Tu n’es pas devenue son enfant.

Peut-être qu’un jour les fées feront revenir l’en
allé.


                                         *

L’homme du tout début ne te tiendra pas par
la main et pourtant tu es resplendissante petite
étoile.

Tu iras peut-être le chercher sous les décombres,
lui dire qui tu t’appelles, ce ne sera ni un beau ni
un mauvais jour mais ce sera un jour de vérité.

                                         *

Il est trop tôt, je bois un thé chaud, ta maman
dort dans l’autre pièce, ses rêves parfois font des
cauchemars mais ton territoire est bien défendu.

Tu peux voguer tranquillement au milieu des
images.

                                         *

J’ai écrit Petita en parlant de toi.

Les lumières tamisées chuchotent la nuit,
éclairent juste un peu, nous veillons, nous nous
faisons veilleuses.

                                         *

Le temps est concentré sur toi.

Nous ne sommes pas des fantômes, bientôt
tu nous verras.

Isabelle Pinçon, Petita, bientôt, Cheyne éditeur 2024, pp.40, 41, 42, 43, 47, 48, 49, 60, 51, 52.

 ISABELLE PINÇON =>  source

■ Isabelle Pinçon
sur Terres de femmes ▼

Ici Algérie, Cinquante fois un poème, 50, 51, éditions La passe du vent, Collection Poésie, 2020

■ Voir aussi ▼
→ (sur le site des éditions La passe du vent) la notice de l’éditeur sur Ici Algérie, Cinquante fois un poème
→ (sur le site de l’espace Pandora) une fiche bio-bibliographique sur Isabelle Pinçon