Crédit photo : betenoir/FlickR
Moi : Je me demande si parfois quelqu’un pense à moi…
Lui : Très certainement non ?
Moi : Ce n’est pas si sûr…
Lui : !?… Mais enfin…
Hubert descendit à la buanderie pour récupérer sa boîte à outils. Sur la tablette de la machine à laver, il découvrit, vibrant au rythme du tambour qui tournait à vive allure, un trousseau de clés et, sous celui-ci, une lettre froissée que Matisse avait pris soin de glisser dans la poche de sa veste…
“Matisse,
J’ai retrouvé ta trace dans ce foyer pour sans-abris et je n’ai aucune certitude quant au sort de cette lettre. J’espère que tu liras un jour ces quelques mots, tout simplement…
Voici des années que j’aire dans la vie comme on attend dans le hall d’une gare. Je sais que je ne suis pas à plaindre et j’ai honte de devoir aujourd’hui admettre ma défaite dans cette lutte quotidienne contre les jours et les heures. Je suis résolu à en finir. La maladie qui ronge mon esprit depuis des années s’attaque maintenant à mon corps. Je suis faible et gris, je disparais. Je ne supporte plus cette existence minable. J’ai aujourd’hui la certitude de ne plus vivre dans la tête des autres, même plus sous la forme de souvenirs. Je préfère en finir. Quand, comment, où… je ne sais pas, pas encore.
Notre amitié a toujours existé. Celle d’Hubert aussi. Elle est gravée sur un réverbère de l’avenue du Parc. T’en souviens-tu ? Comme tout, cette trace un jour disparaîtra et je la précéderai.
Je te souhaite d’avoir une belle vie.
Ton ami, René“.
Hubert plia soigneusement la lettre. Ce matin là il déjeuna normalement, sorti faire quelques courses puis, à midi vingt, il s’enferma dans les toilettes, sorti son téléphone portable et la lettre de sa poche. D’une main tremblante, il composa le numéro griffonné au bas de la feuille et qui, déjà, commençait à s’effacer…