Gérard Cartier / Le Méridien de Greenwich

Publié le 03 octobre 2024 par Angèle Paoli

  <<Poésie d'un jour

                     I. Les Docks


                          .X.


Penché dans l’hiver sous la lucarne embuée
D’interminables pluies depuis le Jubilee
Je m’applique à oublier celui que je fus
Le Collins & Robert aux genoux et The Saint
Brendan Secouant le stylo où l’encre peine
Cherchant sous le fouet de l’orage les mots
Qui vont aviver la plaie et manifester
Le sens de cet exil La Tamise déborde
Emportant la barque colorée que le moine
Guide en priant Qu’il rejoigne la mer et dérivant
Dans le vent et les marées qu’il gagne enfin
L’Île promise… et je rêve à sa suite
Dans une coque ovale emportée par le courant
Au-delà des cartes une terre oubliée
Où tu m’attends.

source: Wikipedia

                             

                                     .XVII.

Au bord du fleuve en crue Un chant avec deux doigts
Sur un couvercle de zinc et le bourdon du vent
Dans les hangars abandonnés Murailles redoublées
D’invocations sauvages Rien ne s’efface rien
Malgré le ciel acide et les mots inconnus
Retrouver un instant les passions de l’enfance
La terre et ses secrets un quai bosselé
Pousser du pied un caillou coloré et courir
Sur une ligne étroite entre deux précipices
Les années devant soi leur flèche qui vole
Sans effort vers l’horizon Jusqu’à ce point
Où derrière et devant la distance est égale
Où la nuit dans le jour prend une égale part
Si peu chargé de souvenirs pourtant
Que je n’ai pas dix ans …

                        II. Les Hautes Terres

                                      .XIV.

Paysage du nord trop de ciel Une fable
Inachevée un âne dans un marécage
Et un corbeau fuyant la mer L’ombre
Secoue les herbes je cherche mon chemin
Appuyé contre une borne Les îles d’Eilean
Montent et s’enfoncent sur la ligne du bord
M’appelant où l’on ne peut combattre le silence
Ni accroître l’éclat de la solitude Une image
Frugale est mon plaisir et deux livres d’une langue
Aiguë comme un silex Lentement passe
La flèche du soir Au creux d’une dune
Dresser ma tente Herbes et roseaux
Et la bénédiction d’un feu que le vent couche
Puis dormir les dents serrées Comme mort Oubliant
Ce qui est et ce qui fut…

Dessin original de Gérard Cartier

Gérard Cartier, I, « Les Docks » & II « Les Hautes Terres » in Le Méridien de Greenwich, Éditions Obsidiane, 2000, p.20, 27 et 46.



Image, G.AdC
■ Gérard Cartier
sur Terres de femmes ▼
La duplicité. (poème extrait des Métamorphoses)
→ Les Métamorphoses (lecture de Maëlle Levacher)
Tristran (lecture de Nathalie Riera)
→ Le philtre (extrait de Tristran)
→ Le Voyage de Bougainville (lecture de Marie-Claire Bancquart)
→ Le Voyage de Bougainville (lecture d’AP)
→ EX MACHINA, Journal de L’OIE, La Thébaïde, Collection Roman, 2022.
→ Gérard Cartier / Le Voyage intérieur
→ Gérard Cartier, Le voyage intérieur, Flammarion poésie, 2024 (Lecture d’Angèle Paoli)
→ « I, Les enfances de Mara » in Le Roman de Mara, Tarabuste éditeur, 2024
→ « Terra nullius », Mers Boréales .87., in L’Ultime Thulé  Jeu de l’oie, Éditions Flammarion, Collection Poésie/Flammarion, 2018 


■ Voir aussi ▼
→ (sur le site des éditions Flammarion) d’autres extraits de L’Ultime Thulé [PDF]
→ (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature) une fiche bio-bibliographique sur Gérard Cartier