« Un scandale », « une provocation », « une honte »… Depuis la médiatisation, par le Journal du dimanche, ce 30 septembre, d’une décision du Conseil d’État qui octroie le statut de réfugié à un Algérien, pourtant condamné par le passé pour agression sexuelle sur mineur de 15 ans, les réactions indignées s’enchaînent. Au-delà du scandale politique soulevé par cette décision de la plus haute juridiction administrative, l’apparente libéralité des magistrats en matière de droit d’asile interroge.
Une menace pour la société française ?
Les faits remontent au mois de juillet dernier. À cette époque, la deuxième chambre du Conseil d’État est appelée à se prononcer sur la demande d’asile déposée par Medhi F. En novembre 2020, ce ressortissant algérien avait vu son dossier rejeté par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). En cause, notamment, une condamnation, en juillet 2019, à quatre ans de prison et une interdiction du territoire français pour des faits d’agression sexuelle. Au titre de l’article L.511-7 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droits d’asile(CESEDA), l’OFPRA considérait à l’époque que cet individu, « condamné en dernier ressort en France », constituait « une menace grave pour la société française ».
Débouté du droit d’asile en première instance, Medhi F. ne baisse pas les bras et décide de faire appel de cette décision. Il dépose un recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Le 4 avril 2023, la CNDA casse la décision de l’OFPRA et octroie au ressortissant algérien le statut de réfugié. Pour la Cour, si Medhi F. a bel et bien été condamné en 2019, il s’est « volontairement engagé dès le début de sa détention dans de nombreux protocoles de soins et démarches d’insertion professionnelle ». Par ailleurs, en 2022, le médecin psychiatre en charge de son suivi depuis quelques mois affirme ne pas « avoir identifié d’élément appuyant l’hypothèse d’une récidive possible ». Dès lors, pour la CNDA, l’individu ne représenterait pas de menace pour la société et peut donc bénéficier de l’asile en France.
L’OFPRA, en désaccord avec cette décision de la CNDA, décide alors de porter l’affaire devant le Conseil d’État. Mais le 15 juillet 2024, la plus haute haute juridiction administrative finit par donner raison à la CNDA et accorde à Medhi F. la qualité de réfugié. Pour les magistrats du Conseil d’État, la condamnation de l’individu ne saurait justifier « légalement une décision refusant le statut de réfugié ».
La CNDA, une « loterie »
Cette décision, qui peut sembler totalement déconnectée, notamment au regard de la dramatique actualité récente, en dit long sur l’appréciation libérale du droit d’asile, en France. Si, dans cette affaire, l’OFPRA semble faire preuve de vigilance, cela n’a pas toujours été le cas. Philippe Fontana, avocat et auteur de La Vérité sur le droit d’asile (Éd. L’Observatoire), explique ainsi dans son essai que l’OFPRA et la CNDA sont deux « machines à donner le droit d’asile ». La CNDA, notamment, dans son fonctionnement, souffrirait, selon lui, d’un « manque d’impartialité ». En cause, les rapporteurs, notamment, qui secondent le président de chambre leur indiquent le cadre géopolitique et juridique sur chaque dossier et influencent donc nécessairement le jugement. Or, une partie de ces rapporteurs « se donnent pour mission de sauver le plus de personnes possibles, influençant les décisions des juges pour bénéficier aux demandeurs d’asile », note Philippe Fontana. Résultat : la CNDA finit, dans de nombreux cas, par adopter des jugements permissifs. Ce fut le cas dans l’affaire de Medhi F., mais également en 2021 lorsque la Cour a octroyé l’asile, contre l’avis de l’OFPRA, à un ressortissant tchétchène fiché S et condamné notamment par le tribunal correctionnel de Lyon à six ans d’emprisonnement et à une interdiction du territoire français pendant dix ans pour des faits d’extorsion avec violences et d’association de malfaiteurs. Un jugement qui fut, cette fois-ci, finalement cassé par le Conseil d’État.
Pour Maxime Guimard, auteur d’un Petit Traité sur l’immigration irrégulière (Éditions du Cerf), plus qu’une « machine à produire de l’asile », la CNDA serait une « loterie ». Selon les juges et assesseurs, les jugements seraient ainsi soit très généreux soit très sévères. Résultat : des avocats et associations n’hésitent pas à faire porter pâle leur client pour tenter d’obtenir une nouvelle audience devant un juge plus permissif. La France peut-elle vraiment accepter que l’attribution du droit d’asile soit joué à la « loterie » ?
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