Magazine Humeur

Et si on arrêtait la radio?

Publié le 28 août 2008 par Caramelito

Tout commence par une voix d’enfant pour une production radiophonique dont je me souviens à peine, sauf que c’est mon père qui produit l’émission pour FR3 Bretagne.
J’apprendrai plus tard que ce qui sent bon dans les studios s’appelle Neumann, Uher, Revox ou Nagra. Plus tard, c’est dans les années 80. Un ami cherche complice pour émission de nuit sur radio associative. On monte « Mille et une vies, la nuit ». Je lis des textes de Cendrars et des contes de Sternberg sur les musiques qu’on aime. On se fait des sandwiches sur la console, on boit du Jack Daniels, et à minuit, on rend l’antenne en éteignant la lumière de l’appart’, avant de partir écluser rue de St-Malo. On est à Rennes, en pleine insouciance. Pas de sida, presque pas de flics, les filles nous embrassent, on est les rois du monde.
Plus tard encore, un copain gaucho à gueule de gitan, une crème, un aventurier (rennais) me branche sur la radio de la ville. Tout est à faire. Edmond nous foutra une paix royale. Je lâche mon boulot de barman et mes concerts (je suis batteur) pour lire des nouvelles de Chandler, Fredric Brown, John Flanders, Fajardie, au micro, en poussant le curseur des bruitages d’un doigt, la zik d’ambiance d’un autre, et en tenant mon livre avec la main libre. C’est de la radio vachement libre. Puis Radio France me fait signe, on est en 84. Je pense qu’en entrant maintenant dans la station de Rennes, je serai normalement à France Inter en 85, vu que c’est normal. J’attendrai d’avoir appris correctement le boulot, avec de grands mecs, comme Michel Hanich (mon premier boss des programmes, un costaud des Balkans, génial, à moitié dingue, turfiste, un peu excessif au comptoir, un ange ! Quand il rotait fort en public, il faisait « abdoulaziz » pour finir sa phrase. Il a mourru) ou un géant haut comme trois pommes ayant croisé Queneau, Soupault, André Frédérique et peut-être bien Hitchcock, un des grands dirlos d’Inter, Jean Chouquet, qui s’occupait de rendre folles les animatrices de province, et paranos à mort, les jeunes garçons que nous étions, pleins de promesses et de défauts. On faisait des exercices de relaxation à-même la moquette et après le déj’, il t’expliquait Platon, Mozart et la mystique des nombres chez les francs-mac’. On allait bien. On avait environ trois grammes, et encore autant d’insouciance. Je grimperai finalement à Inter en 96, pour rejoindre Claude Villers (Le Claude, le vrai) à « Tous aux Abris ! ». Une idée de Jacques Santamaria (quelqu’un de malin et délicieux, qui fait de la très bonne télé aujourd’hui) qui rêvait d’un retour du « Tribunal » sur Inter. J’ai joué un militaire abruti pendant un an, avec une chemise kaki et un vrai flingue. J’ai eu le temps d’apprendre le trac, le vrai, celui qui vous colle le vertige et la liquette à l’échine, et l’exigence d’écrire des textes vraiment drôles sans quoi le public dort, et la paranoïa.
Devenu producteur de « Curriculum Vite Fait », le dimanche en direct et en public, j’apprendrai qu’il est indispensable d’être parano et très parisien, plutôt que naïf et province, sinon, il est naturel qu’on vous tue. Le meurtre est mieux qu’une pratique dans la maison ronde. C’est en même temps plus festif : c’est une coutume, une tradition.
Je quitte Inter à l’arrivée de Jean-Luc H., étrangement. Je n’ai pas vu le contrat (sur ma tête) arriver. J’avais confiance. Le bonhomme me séduisait. Le jour où il m’explique, façon cow-boy, avec les santiags à quelques centimètres de ma tête, pourquoi il ne veut plus de l’émission, je ne comprends pas trois mots de ce qu’il me dit. C’est bredouillé, grave, on dirait du John Wayne au ralenti. Je ne saurai jamais ce qu’on m’a reproché. Mais on m’a dit que j’étais bon. Bon à virer aussi. Bon partout, donc. Très bon comme garçon. Et pas assez parano.
2008. On est douze ans plus tard. Je fais une nouvelle rentrée presque sans radio, presque sans micro. J’ai heureusement une belle série quotidienne à écrire et à réaliser pour France Bleu, sur les mots et les expressions. Et Oh ! La radio, mon bébé. Deux ans, la petite. Me rapporte pas un rond, mais pas mal d’amitiés virtuelles, et je fais chauffer les lampes à la maison. C’est ce qui compte. Avec les odeurs de Neumann, Nagra...et aussi Yamaha, TL Audio, Studio Projects. Plus de bandes et plus de réglettes, mais des logiciels de folie, que même quand tu te plantes, t’es miraculeusement bon quand même. J’allume le poste et me documente. J’écoute démarrer les nouvelles grilles de radio avec envie, frustrations, désir, dégoût. Je ne sais pas si j’ai bien fait de penser que c’était là que ça se passerait, plutôt que sur les scènes de théâtre, dans les salles de concert, les pizzerias, les rues, les lavomatics, les jardins, les jacuzzi, les tennis, les chemins de fer ou la poste. J’ai des envies de soleil et de nager. Crawler, crawler, crawler. A la une de Match, j’apprends que Flavie Flament va mieux. Et en effet, sa chemise mouillée lui colle aux seins. Il me faut une chemise mouillée. Et il me faut crawler, crawler, crawler. Comme un winner, un type en slip. Ou pas. C'est la voix d'un môme, devant un micro, qui se met à réfléchir. Et si on se taisait ?


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