Devant l'entrée, un convoi officiel avec des motards qui font rugir les moteurs de leur BMW, fourragère à l'épaule, devant des 607 Peugeot blindées aux vitres fumées. Le beau linge qui s'apprête à partir s'attarde nonchalemment, englué dans un faisceau de micros, de caméras et d'appareils photos aux zooms prodigieux. Piétinant à distance, les badauds observent, fascinés. A l'intérieur, ambiance très masculine, genre salon du Bourget, avec des dizaines de managers en costards, hâlés et souriants, dont beaucoup ont tombé la cravate, car on est quand même à l'Université, faut pas déconner (si, justement). Je trouverai plus tard, sur le blog une revendication enflammée pour les PME et la réforme, et contre la sur-représentation de la fonction publique chez les élus. Mais rien sur la sous-représentation féminine dramatique et chronique dans nos belles entreprises françaises du troisième millénaire. Alors, je m'y colle et je le crie bien fort (mais dans le désert français) : ça manque de femmes aussi à l'Université du Medef !
Le programme des journées est légèrement stratosphérique. "L'innovation, de la science à la chance", "In nano veritas" (tiens, c'est bizarre, j'aurais dit "vino", moi...), "Le management comme pédagogie pour un autre monde"... Et aussi "Dieu pour point d'appui et la prière pour levier". Vendredi 29 août, il y a un débat sur les réseaux sociaux, où on risque d'enfiler les perles. J'irais quand même y faire un tour. Je vois tous les jours le comportement des entreprises, grandes et petites, qui brident sévèrement leur éclosion, y voyant un dangereux dérivatif pour leurs salariés déjà si rétifs au travail à la papa. Impossible de se connecter aux blogs, à Facebook, car ce n'est pas perçu comme productif. D'autres l'ont déjà dit, je ne fais que le répéter : le web 2.0 donne de l'autonomie, change les façons de travailler, de produire de l'information, de la partager, facilite les échanges, crée de nouvelles façons de travailler. Mais nos entrepreneurs sont pour le moment un peu dur d'oreille. Sans parler des réticences morales, qu'ils ne sont pas les seuls à émettre. A chaque fois que je fais des conférences ou des séminaires sur le sujet dans les entreprises, les managers tombent des nues et sont prêts à se convertir. Je ne sais pas qui leur a expliqué ce qu'était le web 2.0. Peut-être leur DSI. Mais visiblement le message n'est pas bien passé, c'est le moins qu'on puisse dire.
Sinon, le Medef, c'est l'entreprise dans tous ses états. Mais l'entreprise à la française. Des banques. Le nucléaire. Les transports. Vinci, Arianespace, la SNCF, Areva, Total... OK, Poweo et Viadéo (entre autres) sont aussi dans le bateau. Mais pas une entreprise française qui ne se soit créée récemment, et qui soit devenue un succès mondial, et dans un secteur de pointe. D'ailleurs, il n'y en a pas. Pour Google et autres références, et les entreprises d'internet d'aujourd'hui et de demain, on repassera. Je suis allé récemment au Brésil. D'un côté Sao Paulo, avec les industries de pointes, les services, l'informatique, et même Orkut, un Facebook de Google adopté par les Brésiliens et qui fait la nique au Facebook original. De l'autre, Rio de Janeiro, la nonchalante, sa douceur de vivre, ses paysages de rêves, ses plages de sable fin, la caïpirinha à gogo et le meilleur café du monde. Et Petrobras (groupe pétrolier) et Vale (groupe minier) qui soutiennent l'économie de la ville. Toute proportion gardée, l'entreprise France, c'est un peu Rio, en ce moment, face au Sao Paulo mondial, autrement plus dynamique.