Lecture (Extrait)
Aquatinte de G.AdC
GEAI BLEU (Cyanocitta cristata). Courte huppe pointue d’un bleu presque indigo ; sourcil, joue et gorge blanc-crème ; collerette noire ; corps fuselé du même bleu indigo ; ailes bleu de Prusse barrées de pointillés noirs et d’une étroite bande blanc-crème, couleur qui termine aussi les rémiges secondaires et les longues plumes de la queue. Quand celle-ci est ouverte, on croirait voir une main à dix doigts à la peau teinte de Prusse et aux longs ongles vernis de céruse. Trois geais sont perchés sur les branches fleuries d’une bignone ; l’un au sommet, la huppe dressée, les ailes et la queue fermées ; un autre à mi-hauteur, huppe rabattue, queue et ailes dépliées ; du dernier, on ne voit que le poitrail qui jaillit derrière le tronc : il tient dans son bec un gros fruit blanc et globuleux et regarde le peintre, fier et sérieux comme un petit enfant qui souffle une bulle de savon. Toutes les couleurs sont nuancées de teintes, de reflets et de mélanges. Au contraire des autres êtres (poissons, serpents, insectes, mammifères, sans parler des hommes), la palette nécessaire à un rendu fidèle des volatiles est presque infinie, même sous nos climats, même dans les montagnes de Savoie. Pourtant, à défaut de 192 nuances du marchand de couleurs, douze demi-godets d’aquarelle suffisent aux plus habiles pour recréer tous les oiseaux du ciel :
Jaune citron, ocre jaune,
vermillon, garance, carmin,
bleu céruléen, outremer,
vert émeraude, vert de nerprun,
terre de Sienne brûlée, terre d’ombre brûlée,
noir d’ivoire,
et un tube de blanc de Chine. Imaginons que les écrivains n’aient que douze mots et du silence pour deviser le monde…
Gérard Cartier, « Oiseaux » in L’Oca Nera, La Thébaïde, Collection roman, 2019, pp.383, 384.
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