C’était un poète.
Il n’avait rien à voir avec nous, mais il nous parlait. Est-ce que nous l’entendions ?
« Un lieu, je veux un lieu ! Je veux un lieu à la place du lieu pour revenir à moi-même, pour poser mon papier sur un bois plus dur, pour écrire une plus longue lettre, pour accrocher au mur un tableau, pour ranger mes vêtements, pour te donner mon adresse, pour faire pousser de la menthe, pour attendre la pluie. Celui qui n’a pas de lieu n’a pas non plus de saisons. Pourras-tu me transmettre l’odeur de notre automne dans tes lettres ? Emmène-moi là-bas, s’il reste encore une place pour moi dans le mirage figé. Emmène-moi vers les effluves de senteurs que je respire sur les écrans, sur le papier, au téléphone… »
Ses mots étaient ceux de son peuple : le sang, l’exil, la maison, l’enfermement, la liberté, la frontière, les frères, la violence, la domination.
Mahmoud Darwich est enterré à Ramallah, non loin de la sépulture de Yasser Arafat dont il avait partagé tant de combats. C’était un immense artiste, qui doit sans doute à sa vie de douleurs et d’incertitudes d’être parti trop vite.
Quand tu prépares ton petit-déjeuner,
pense aux autres.
(N’oublie pas le grain aux colombes.)
Quand tu mènes tes guerres,
pense aux autres.
(N’oublie pas ceux qui réclament la paix.)
Quand tu règles la facture d’eau,
pense aux autres.
(Qui tètent les nuages.)
Quand tu rentres à la maison, ta maison,
pense aux autres.
(N’oublie pas le peuple des tentes.)
Quand tu comptes les étoiles pour dormir,
pense aux autres.
(Certains n’ont pas le loisir de rêver.)
Quand tu te libères par la métonymie,
pense aux autres.
(Qui ont perdu le droit à la parole.)
Quand tu penses aux autres lointains,
pense à toi.
(Dis-toi : Que ne suis-je une bougie dans le noir ?)