Be Happy, de Mike Leign, ou : anti film d’apprentissage

Publié le 31 août 2008 par Jeannoel08

«Be Happy» c’est l’histoire d’une nana fofolle au début, qui est vachement adulte à la fin.
Roman d’apprentissage, me diras-tu.

Sauf que pas du tout, parce qu’à la différence du Jeune Werther, Poppy ne change pas d’un iota entre la première image (où elle fait du vélo dans une tenue bariolée) et la dernière (où elle fait de la barque dans une tenue bariolée). Elle vit au milieu d’enfants (elle est instit) et n’a toujours pas son permis (le rite de passage dans la vie d’adulte).
Le personnage ne connaît aucune évolution, ce qui constitue un schéma narratif relativement original.
D’ailleurs, comme ça, là, maintenant, pouf, je n’ai aucun autre exemple qui me vienne à l’esprit d’un personnage qui n’évolue pas au cours d’un livre ou d’un film.

Donc, pour faire une narration avec un personnage qui n’évolue pas mais qui devient adulte, c’est donc qu’il faut faire évoluer les autres personnages, si vous me suivez bien.
C’est là qu’entrent en scène des seconds rôles particulièrement gratinés.
Sa prof de flamenco démentielle, qui vient de Séville, «ville connue pour ses merveilleuses oranges, que, vous, les Anglais, transformez en marmelade dégueulasse».
Son moniteur d’auto-école psychorigide, qui voit la route comme le territoire d’un complot.
Sa soeur enceinte hystérique et castratrice (oui, tout ça à la fois).

Les personnages qui jouent le plus aux adultes pètent tous un cable à un moment où à un autre.
Or, la manière dont ils pètent leur durite rèvèle très exactement leur décalage interne : ils se définissent de manière extérieure.
La prof de flamenco prend son rôle trop au sérieux.
La soeur répète sans cesse qu’il faut être adulte.
Le moniteur d’auto-école reprend ses esprits en disant : «je suis un bon prof».
Ce sont donc des personnages qui placent leur équilibre dans une définition externe, et qui explosent au contact de Poppy à qui l’idée de se référer à autre chose qu’à elle-même ne vient pas à l’esprit, surtout pas quand il s’agit de ne pas assortir un collant violet à une jupe rose, un pull bleu et des bottes jaune

Poppy regarde les personnages exploser.
Et Poppy la fofolle sait toujours réagir de manière parfaitement juste dans toutes les situations.
Elle n’hésite pas, elle est adulte.
C’est le regard du spectateur qui possède le point de vue englobant, qui change pour percevoir toute la sagesse du personnage qui trouve sa vérité en lui-même et non dans les autres.
La définition de la sagesse change.
Et des films qui te font revoir tes définitions, reconnais que ce n’est pas courant.

Même s’il faut le dire, Poppy, on a parfois envie de lui filer des baffes pour qu’elle se taise.

Et que je parle, et que je parle…