Je ne peux m'éloigner des années 60, sans évoquer le thème des '' Cathares '' qui fut l'occasion d'un voyage mémorable de Lancelot et d'Elaine sur les terres de l'hérésie albigeoise, en 1967, je crois, avec en main le livre de Michel Roquebert, '' Citadelles du vertige ''.
Pierre Benoît
Anne-Laure, la mère de Lancelot, vouait à Pierre Benoît (1886-1962), une admiration littéraire sans bornes. Bien qu'elle lusse tous ses ouvrages, bien qu'il eut affiché des convictions royalistes (mais pas orléanistes comme la comtesse de Sallembier), et bien qu'elle eut à le croiser souvent, elle s'en était tenue éloignée du fait d'une certaine mauvaise réputation.
Lancelot, grand lecteur de ses œuvres également - au point que ma sœur Axelle se nomma comme l'une de ses héroïnes ( toutes ''en A'' ) - observa pendant l'Occupation, sa présence régulière aux dîners de l'ambassade d'Allemagne pendant la guerre, et son appartenance au comité d'honneur du '' Groupe Collaboration'' alors qu'il refusait, il est vrai, bien d'autres compromissions avec le régime de Vichy...
Pierre Benoît fut un grand écrivain, au succès considérable, avec des titres comme, Kœnigsmark qui fut choisi, en 1953, pour être le N°1, à la création du Livre de poche.
En 1957, à l'occasion de son 40ème roman, Montsalvat, Pierre Benoît fête son cinq millionième livre vendu.
Montsalvat, de par son thème fit partie de l'immense collection de livres que nous entretenons autour du Graal. Pour ma part, sa lecture suivait celle d'un autre roman, de Zoé Oldenbourg, La pierre angulaire, chronique de trois générations à l'époque médiévale dont une partie emprunte les routes du Languedoc dévasté par la Croisade des Albigeois... Nous étions alors, juste avant la vague qui allait promouvoir les cathares comme les héros d'une grande cause occitane.
Le roman de Pierre Benoît se déroule pendant l'Occupation allemande en France en 1943.
Dans un train pour Montpellier, à côté d'un compartiment '' réservé aux officiers de la Wehrmacht '', se rencontrent un homme et une femme qui lisent le même ouvrage: un ouvrage allemand d'Otto Rahn ( Kreuzag Gegen Gral), dans une traduction française au titre '' Croisade contre le Graal''.
Ils se sont sans-doute déjà rencontrés à la faculté de Lettres, car elle le reconnaît. François Sevestre achève une thèse sur les Albigeois, et la jeune femme se nomme Alcyone de Pérella, Alcyone, du nom d'une jeune fille transformée par Junon en colombe, et de Pérella, pour le seigneur cathare de Montségur, condamné et exécuté comme hérétique au XIIIe siècle, dont elle est une descendante.
* N'existe t-il pas, selon un vers wagnérien, " une colombe ... vient tous les ans lui rendre sa splendeur. C'est le Saint-Graal... " ?
* Je rappelle que '' Perceval ou le conte du Graal '' de Chrétien de Troyes date de 1183, avec ses continuations à partir de 1210.
La relique si mystérieuse est évoquée à travers le récit de la croisade contre les albigeois, de l'histoire de châteaux ou refuges pouvant Le cacher. Et donc aussi, à la recherche de Montsalvat...
* Dans le ''Lohengrin'' (1850) : Lohengrin révèle à Elsa qu'il vient d'un château nommé Montsalvat où se trouve le Saint Graal dont son père, le roi Parsifal, est le gardien.
Montsalvat, ne serait-ce pas : Montserrat, Montségur, ou simplement Montsalvy ?
Le nœud de l'intrigue se situe ici, à Montsalvy, " chef lieu de canton de 800 habitants, qui domine la vallée de la Truyère, au-dessus d'Entraygues, à une quarantaine de kilomètres d'Aurillac. ", où se rend chaque semaine Alcyone.
Fin décembre; ils se rendent tous deux à Montsalvy - de Montpellier, après " le terrible plateau de La Cavalerie ", Millau, Estaing - au seuil de l'Auvergne. C'est là, dans ce château où Alcyone a grandi, que vit encore sa mère, et pour l'heure, une garnison de soldats allemands.
Deux officiers sont à la recherche du Graal : le major Cassius, un antiquaire dans le civil, et le lieutenant Karlenheim, un ancien moine visiblement amoureux d'Alcyone. Ils prennent chaque jour de mystérieuses mesures dans une des salles du château, en suivant l'évolution du soleil.
Je passe sur le contexte familial de François, qui lui permet avec Alcyone, de faire équipe, autour de l'histoire du Graal, et de la recherche de ses refuges successifs.
Le lieutenant Karlenheim est tué par des maquisards. Il laisse des papiers personnels pour Alcyone, fruits de ses recherches sur le Graal.
Montségur - Delphine Dente
Après leur retour à Montpellier, François et Alcyone se retrouvent pour un départ de Lavelanet, traversée de Villeneuve-d'Olmes, puis Montferrier; et dans la nuit, sous la neige, la montée vers une forteresse appelée le Temple de la Lumière, Montségur. Dans la salle d'honneur, ils attendent un mince rayon d'or du soleil levant, qui apparaît jusqu'à désigner, gravé sur la muraille, '' une roue dentée d'un pouce de diamètre''...
Après Tarascon sur Ariège, ils passent à Lombrives dans une grotte ''macabre'', toujours pour remémorer l'itinéraire qu'a emprunté la Sainte relique, après son arrivée en Gaule apportée de Césarée de Palestine par Joseph d'Arimathie. Avant Montserrat, ils font halte à Queribus... A Granollers, ils apprennent l'accident de voiture subi par l'officier allemand Cassius sur la route de Montserrat. A l'hôpital de Sabadell, le major confie à Alcyone qu'il sait où se trouve le Graal, et avant de mourir, lui révèle " l'endroit exact qui recèle la coupe d'émeraude de Joseph d'Arimathie. "
Je ne vais pas révéler la fin de cette Quête, qui ne s'achève pas en Espagne....
Je vais juste reprendre les lieux du Graal - selon Pierre Benoît - qu'évoque Alcyone en commençant par Montsalvy, fief des Pérella comme gardiens du Graal, de la fin du VIIIe s. à 1204. De 1204 à 1244, Il sera à Montségur, d'où " le Graal s'en va chercher refuge à la cathédrale souterraine de Lombrives. Lombrives, où il demeurera jusqu'en 1328, date de la défaite définitive de l'Hérésie et de la victoire de l'inquisition. "
" A partir de cette date, ce ne sont plus les Sectateurs de l'Emeraude palestinienne chez qui elle trouve son plus sûr asile, mais bel et bien l'Eglise Catholique.... " avec Montserrat, et '' peut-être '' le monastère de San Juan de la Pena, puis la cathédrale de Valence, possibilités que semble ne pas approuver Alcyone.
Pierre Benoît n'a pas craint d'ajouter ses propres inventions à la légende des lieux qui auraient abrité le Graal... Je regrette, dans ma lecture, que le romanesque ait pris le pas sur l'Histoire, en particulier celle des Cathares...