Magazine Humeur

22 mars 1966 – Les Cathares à la télévision

Publié le 04 décembre 2024 par Perceval

Les Cathares gagnèrent leur célébrité au cours du mois de mars 1966.

Nous les connaissions au travers des romans de Zoé Oldenbourg (1916-2002), avec Les brûlés, Les cités charnelles, et pour notre part '' Le bûcher de Montségur ''.

Cet ouvrage dense raconte la fin du catharisme dans le midi de notre France, et ''la fin de l'indépendance relative de la civilisation des pays d'Oc.'' comme les gens de là aiment à dire. L'analyse de l'auteur sur la religion cathare écarte quelques outrances ésotériques ( comme les théories de F. Niel). L'enchevêtrement du politique et du religieux, permet à Madame Oldenbourg de dénoncer la théocratie pontificale et le nationalisme monarchique.

mars 1966 Cathares télévision

Je ne vais pas évoquer un livre, mais une série télévisée diffusée sur la première chaîne de l'ORTF ( en noir et blanc). L'ORTF était supervisé par le ministre de l'Information, Alain Peyrefitte de 1962 à 1966. Également porte-parole du gouvernement il avait un contrôle significatif sur les informations diffusées au public. Il veillait à ce que les médias reflètent les politiques et les messages du gouvernement gaulliste.

L'une des émissions vedettes de la Télévision française se trouve être ''La caméra explore le temps'' écrite par Alain Decaux et d'André Castelot, accompagnés du réalisateur Stellio Lorenzi. Il s'agit d'une trentaine d'émissions d'une durée moyenne de deux heures par sujet, réalisées entre 1957 et 1966.

Dans Le Figaro, du 17 mars1966, André Brincourt écrit: " Cette émission est attendue comme un événement... parce qu'il s'agit de la dernière ''Caméra explore le temps''." !

A la demande du pouvoir politique, l'ORTF, met fin, à cette série de neuf ans d'émissions. Stellio Lorenzi est secrétaire général du Syndicat CGT des réalisateurs. De nombreux réalisateurs à la télévision française sont également engagés politiquement et affiliés au Parti communiste.

L'annonce de la fin de La Caméra explore le Temps à l'apogée de sa popularité suscita une vague d'indignation, aussi bien dans la presse que parmi le public.

mars 1966 Cathares télévision

Le soir de l'ultime diffusion, Télé 7 jours consacrait une double page à l'événement, intitulée " Vingt millions de téléspectateurs brimés disent ce soir adieu à La Caméra explore le Temps ".

La dernière diffusion de la série, concerne l'inquisition médiévale et le combat contre l'hérésie cathare en Languedoc. Elle est diffusée en deux fois, le 22 et 29 Mars 1966. Le premier épisode s'intitule La croisade et le second a pour titre L'Inquisition.

Les auteurs se sont inspirés du livre de Zoé Oldenbourg le Bûcher de Montségur, qui leur paraît offrir toutes les garanties d'objectivité. Ils n'ont pas négligé cependant des écrits prenant parti comme la Croisade des Albigeois, de Pierre Belperron (1893-1949) qui défendait les actions de l'Église et justifiait la croisade ou des études spécialisées de MM. Nelli, Niel, Duvernois, Roger.

Il s'agit à la télévision d' ".une véritable fresque historique, d'autant que les décors et costumes médiévaux rajoutent encore au spectaculaire. "

mars 1966 Cathares télévision

Le résumé présenté est ainsi: '' Au début du XIIIe siècle, en Occitanie, les efforts de Dominique pour réduire l'hérésie cathare (ou albigeoise) par le prêche échouent. Le Pape déclare la Croisade quand son Légat est assassiné, en 1208. Le Roi de France s'y rallie, voyant l'occasion d'agréger le riche et quasi indépendant domaine des Comtes de Toulouse au sien. La direction militaire de la Croisade est confiée à Simon de Montfort, qui ravage le Languedoc et s'empare de Toulouse. Mais les Comtes (Raymond VI, puis son fils), résistent malgré l'excommunication, soutenus par un sursaut nationaliste du peuple et par l'aide anglaise. Saint-Louis intervient directement après que Toulouse soit reprise par Raymond VII et triomphe définitivement à la Bataille de Taillebourg, en 1242. L'ultime forteresse cathare, Montségur, est prise en 1244 et ceux refusant de se convertir sont brûlés vifs.''

Au point de départ, il y a le développement au XIIIe siècle dans le pays d'Oc d'une secte nouvelle dont les thèses furent taxées d'hérétiques par la papauté, parce que, dans son dualisme de type manichéen, elle prétendait que tout ce qui était charnel tenait du principe du mal; elle rejetait donc la divinité du Christ. Cette doctrine, qui allait dans le sens d'une recherche de la pureté pour échapper au mal, eut d'autant plus d'adeptes, on le sait, que le clergé romain donnait souvent l'exemple de mœurs dépravées.

mars 1966 Cathares télévision

Le film commence par une séquence de la fin de la croisade et de la prise du château de Montségur. L'évêque cathare Bertrand Marti accorde le consolamentum aux cathares qui préfèrent être brûlés vifs plutôt que de renoncer à leur religion. Il leur rappelle que selon la doctrine cathare, le monde réel en proie au mal a été créé par le Diable et non pas par Dieu....

Et, pour la Fin: Le roi de France met le siège autour du château de Montségur où sont réfugiés beaucoup de cathares. Le siège est très difficile du fait des capacités naturelles de défense du site. Les assiégés finissent par se rendre en 1244. Les catholiques peuvent quitter le château. Les cathares qui refusent d'abjurer sont brûlés vifs dans un bûcher collectif, mais trois d'entre eux évacuent un trésor des cathares dont on ne sait s'il est matériel, spirituel ou imaginaire.

La série se terminait par les interventions de Castelot et Decaux. Pour la plupart des téléspectateurs ce sujet était inconnu, et cette émission fut un révélateur pour le grand public.

Michel Roquebert, écrira que " Cette émission fut "une bombe" dans le Sud de la France : en 1966, des millions de téléspectateurs apprenaient que pour que le Languedoc soit français il avait fallu une horrible guerre. " Des téléspectateurs, réunis en télé -clubs dans des salles municipales, allaient découvrir une partie de leur histoire, sanglante et oubliée.

Ce téléfilm souleva un intérêt pour l'histoire des cathares et le régionalisme occitan, dans un contexte de violents débats politiques et de critique du régime gaulliste.

L'histoire des cathares - vaincus par les croisés venus du nord - devient un récit populaire en Occitanie. Le Midi aurait perdu son âme et son indépendance au profit des rois français.

" L'histoire des cathares devient le symbole de la destruction d'une civilisation qui aurait été autonome " souligne Julien Théry.

La presse salue les deux émissions:

" Plusieurs scènes restent inoubliables, comme le bûcher de Montségur. Les superbes performances des acteurs parachèvent le spectacle, on appréciera en particulier les prestations de Jean Topart en Raymond VI, celle de Denis Manuel en Raymond VII ou encore de Denis Manuel en évêque cathare, mais toute la distribution est digne d'éloges. "

mars 1966 Cathares télévision

" Dix millions de Français ont trouvé un sujet de conversation : les Cathares... C'est que notre histoire a ses prudences... Or, n'est-ce pas le rôle de la télévision d'ouvrir les dossiers et n'est-il pas significatif, en cette période d'œcuménisme et de tolérance religieuse, de montrer l'évolution de l'Église ? C'est le miracle de la télévision : la France entière met en question un moment de son histoire " ( Le Figaro, 28 Mars 1966)

Un homme de 38 ans, agent PTT explique : " En toute honnêteté, j'ai presque honte d'être chrétien, de voir comment le peuple à une époque traitait les gens. Ça rappelle même un peu la Gestapo (...). L'arrestation de ce pauvre type, ça rappelle la Gestapo. Contre la force, y'a pas beaucoup de résistance.(...) L'église, c'était la dictature de l'époque ".

Dans La Croix, du 24 Mars 1966, Jean Vigneron écrit " J'ignore si les auteurs savaient, quand ils l'entreprirent, que ce grand dessein serait aussi le dernier. En tout cas, ils n'ont rien négligé pour qu'on parle beaucoup de leur Drame cathare. Et la vision du bûcher de Montségur sur lequel s'ouvre et se ferme leur évocation, me paraît, en l'occurrence, exemplaire. (...) Aux yeux et aux oreilles de beaucoup - de trop de téléspectateurs - le Drame cathare ne peut manquer d'apparaître comme l'un des visages... de l'Église d'aujourd'hui. Ce serait monstrueux. Mais à qui la faute ? ".


Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazine