La veille elle avait réussi à sortir de sa torpeur habituelle au retour des vacances. Il fallait qu’elle jette les déchets verts qui avaient tellement macéré dans leurs sacs en plastique, pendant 20 jours, que le garage en était empuanti. Elle allait enfin pouvoir goûter à la satisfaction du devoir accompli et éprouver le soulagement de se débarrasser de choses encombrantes.
Une fois à la déchetterie, les dix sacs en plastique à ces pieds, elle fut prise de panique - toujours ces souvenirs qui la tourmentaient - et sa tête commença à tourner. Mais quel crime avait-elle donc commis pour être ainsi poursuivie depuis tant d’année ? Elle traînait ses problèmes comme des âmes en peine qui se seraient agrippées à ses cheveux pour l’empêcher d’avancer. Elle commença malgré tout à vider ses sacs, un à un, et puis elle se prit à rêver : si seulement elle pouvait jeter ses problèmes dans les quatre containers alignés devant elle ! Qui sait, peut-être pourraient-ils ensuite être recyclés ?
Soudain elle revint à elle parce qu’un homme hurlait.
- Attention, écartez-vous ! Ecartez-vous nom de dieu !!!
Elle essaya de se retourner, mais trop tard, son corps bascula vers l’avant sans qu’elle ne pût s’accrocher nulle part.
Quand elle reprit connaissance, elle vit un brouillard de têtes penchées au-dessus d’elle. Des bouches parlaient, mais elle ne comprenait rien. Puis, petit à petit, les sons devinrent des mots et elle entendit distinctement un homme qui disait.
- Elle a eu de la chance, le dernier qui a basculé dans la benne, il s’est jamais réveillé !
Oui, elle avait de la chance, elle était toujours vivante.