Joie de la cinéphile de base, la Cinémathèque a rouvert depuis quelques jours, et j’y suis retournée pour voir le Voyage en Italie (Viaggio in Italia) de Rossellini, film de 1953 que, pour des raisons aussi obscures que quelconques, je n’avais jamais vu alors que j’ai vu plusieurs fois cet autre film de la même époque de Rossellini, Stromboli.
Le voyage en Italie est celui que fait un couple d’Anglais aisés, Katherine et Alexander, qui « descendent » à Naples en voiture pour y recueillir l’héritage d’un oncle, une (jolie) villa qu’ils se proposent de vendre. Voyage qui fait office de révélateur – ils se retrouvent en tête-à-tête, ce qui ne leur est pas arrivé depuis des années – pour découvrir leur désaccord, leur incompréhension mutuelle et leur impossibilité à communiquer l’un avec l’autre. Séjournant quelques jours dans la villa, ils s’éloignent l’un de l’autre ; Katherine court les musées de Naples et les sites archéologiques ; Alexander part à Capri y rejoindre des ami(e)s, en affichant son désir de « s’amuser ». A son retour, ils se querellent et parlent de divorcer. Il faudra une visite à Pompéi et surtout la rencontre d’une procession, au cours de laquelle Katherine est entraînée malgré elle par la foule avant de rejoindre son mari, pour qu’ils comprennent qu’ils s’aiment « quand même ».
« Face à Ingrid Bergman, à qui ce rôle de belle femme fragile va comme un gant, George Sanders campe avec brio un de ses innombrables personnages de dandy cynique et blasé. Seule la jalousie semble le retenir à Katherine avant le ‘miracle’. Peut être s'agit-il d'une des rares failles du film. Si on ne doute jamais de l'attachement de Katherine pour son mari, on a du mal à vraiment être convaincu par le revirement soudain de ce dernier », écrit Stéphane Ruggeri.
Et en effet j’ai eu du mal – en fait, je ne suis pas du tout convaincue par la fin, qui me semble un « happy end » maladroitement plaqué sur le reste. En fait, ce miracle final nous invite à reconsidérer tout ce qui a précédé sous un autre angle. En filigrane, l’enfant que Katherine et Alexander n’ont pas eu, qu’ils auront peut-être un jour (à condition qu’ils restent ensemble durablement, ce qui en fin de compte reste à voir…) Circulant dans les rues de Naples, Katherine voir partout des femmes enceintes et d’autres avec des poussettes chargées de bébés. Mais la mort est aussi à l’œuvre avec la visite de Katherine aux catacombes (en compagnie de leur hôtesse de la villa, personnage ambigu qui insiste pour lui faire faire cette visite, et qui est aussi celle qui lui fait mettre au jour ce désir d’enfant) et le souvenir d’un jeune poète mort prématurément, qui excite d’ailleurs la jalousie et les sarcasmes d’Alexander.
A sa sortie en France, le film avait été distribué sous le titre français « L’amour est le plus fort ». Peut-être…
Fuligineuse
Sur Rossellini, voir l’excellente exposition virtuelle du site de la BiFi (Bibliothèque du Film)
PS - A noter que Jean-Luc Godard, dans le Mépris, rend hommage au Voyage en Italie avec une séquence où ce film est montré en projection privée aux personnages principaux, Paul et Camille, en compagnie de l'assistante des studios, Francesca, et de Fritz Lang (jouant son propre rôle).